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Don De Prophétie: Une Réflexion Biblique Et Historique

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    L’Esprit, les Écritures et les responsables de l’Église

    Comme les Pères apostoliques qui l’avaient précédé, Irénée, l’évêque de Lyon, considérait que le don de prophétie se manifestait par les Écritures hébraïques. La perception du rôle des prophètes était la même, à savoir un rôle de porte- parole parlant de la part de Dieu et annonçant le Messie. Cependant, les Pères apostoliques et le Nouveau Testament considéraient que la proclamation des apôtres faisant référence au Christ était une manifestation du don de prophétie, alors qu’Irénée - dans Adversus Haereses - limita le don de prophétie à ceux qui annonçaient la venue du Christ (Adversus Haereses 4. 20. 5). Ainsi, pour Irénée, les prophètes étaient morts. Certes, les apôtres étaient inspirés car ils parlaient de Jésus comme étant le Messie, mais Irénée ne les appelait pas des prophètes. Jean-Baptiste est un exemple de la distinction qu’il faisait au sujet des dons spirituels des prophètes et des apôtres. Les prophètes annonçaient la venue du Christ alors que les apôtres l’avaient vu et parlaient de leur expérience. Or, Jean-Baptiste annonçait Jésus et témoignait de ce qu’il avait vu. D’après Irénée, c’est la raison pour laquelle Jésus dit de lui qu’il était «plus qu’un prophète». «En effet, d’après les Écritures, Dieu a placé dans l’Église premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes (1 Corinthiens 12.28); mais toutes choses procèdent d’un seul et même Dieu.» (Adversus Haereses 3. 11. 4). Par conséquent, il considérait que le don de prophétie ne se manifestait pas chez les prédicateurs itinérants, car les chrétiens (l’Église) proclamaient ce qui avait été annoncé par les prophètes et les apôtres et qui était relaté dans les Écritures.DDP 247.3

    En raison de cela, tous ceux qui déclaraient être des prophètes ou qui s’inspiraient des apôtres étaient rejetés. Marcion, les valentiniens, les gnostiques, les montanistes et d’autres étaient manifestement réfutés par Irénée. Son argument principal contre ces faux prophètes «orgueilleux, ignorants et imprudents» qui «niaient le don de prophétie» était qu’il n’y avait que quatre témoins authentiques de Jésus-Christ (les Évangiles), pas moins (Marcion) et pas davantage (gnostiques, valentiniens, montanistes) (Adversus Haereses 3. 11. 9). Suivant cette logique, son argument limitait le don de prophétie à l’époque du Nouveau Testament. Il porta un coup fatal à ceux qui affirmaient avoir le don de prophétie en associant la vérité aux apôtres. La règle de foi chrétienne fut établie dans les Églises qui gardaient un contact apostolique par l’intermédiaire des évêques.DDP 248.1

    «La véritable connaissance est la doctrine des apôtres, l’ancienne constitution de l’Église partout dans le monde, et la manifestation distinctive du corps du Christ selon la succession des évêques. Ils ont préservé l’Église qui est présente en tous lieux et qui existe encore aujourd’hui. Elle a été protégée de toute contrefaçon des Écritures par un système complexe de doctrines ; les Écritures n’ont pas été enrichies ou amoindries. Il est possible de les lire sans falsification, [...] sans danger et sans risque de blasphème ; le don prééminent de l’amour a également été protégé ; il est plus précieux que la connaissance, plus glorieux que le don de prophétie, et il surpasse tous les autres dons (de Dieu).» (Adversus Haereses 4. 33. 8; italiques ajoutés)DDP 248.2

    La référence au montanisme et à d’autres groupes qui affirmaient avoir l’Esprit de Dieu montre que certains chrétiens croyaient encore à la présence du don de prophétie, comme les Pères apostoliques. La question abordée par Irénée et plus tard par Cyprien consistait à déterminer sa légitimité divine. Leur réponse était claire : «Là où se trouve l’Église, se trouve aussi l’Esprit de Dieu ; et là où se trouve l’Esprit de Dieu, se trouve aussi l’Église.» (Adversus Haereses 3. 24. 1) Cependant, les groupes qui étaient critiqués par Irénée se réclamaient de la même autorité et faisaient référence aux mêmes Écritures. Le débat devint donc herméneutique, c’est-à-dire qu’il concernait les règles d’interprétation (l’exégèse). Irénée, Cyprien, et plus tard Origène, exprimèrent ce qui allait devenir la croyance catholique (universelle) concernant l’esprit de la prophétie, à savoir «qu’on ne peut trouver une interprétation appropriée que là où la foi et la discipline chrétiennes authentiques ont été préservées - autrement dit dans l’Église792J. N. D. Kelly, Early Christian Doctrines (New York : Harper and Row, 1978), p. 40. Kelly explique que lors de cette période suivant la mort des disciples, la vérité était associée aux disciples car ils avaient reçu un enseignement direct de la part de Jésus. Mais d’autres groupes affirmant avoir été associés à Jésus, le débat devint herméneutique. «C’est la raison pour laquelle l’exégèse correcte devint la prérogative de l’Église, où la tradition et la doctrine qui étaient la clef permettant de comprendre les Écritures avaient été préservées.» (p. 38 ; italiques ajoutés).» Le principe ecclésiologique consistant à définir une approche appropriée du don de prophétie donnait lieu à certaines questions telles que : Qu’est-ce que l’Église ? Qui constitue l’Église ? Irénée, et plus tard Cyprien proposèrent ce qui allait devenir une réponse orthodoxe : l’Église est toute congrégation où un apôtre joue le rôle de responsable et enseigne les paroles de Jésus. «C’est la preuve la plus significative que la foi vivante a été préservée depuis les apôtres jusqu’à aujourd’hui, ce qui a permis la transmission de la vérité.» (Adversus Haereses 3. 3. 3) 793Pour en savoir plus sur Irénée, l’Église et la vérité, voir Mary Ann Donovan, One Right Reading ? A Guide to Irenaeus (Collegeville, Min. : Liturgical Press, 1997). Voir notamment le résumé pp. 93 et 94.. DDP 249.1

    Après Irénée et durant tout le Moyen Âge, pour de nombreux chrétiens, le concept de prophètes appartenait au passé794George Rice décrit cette absence du don de prophétie dans le christianisme du IIIe siècle au Moyen Âge. Dans sa présentation historique des dons spirituels, Rice évoque le montanisme (vers 170), puis John Wesley (vers 1700) à la lumière du montanisme, environ 1 500 ans plus tard. Cependant, cette présentation historique doit être remise en question. Pourquoi choisit-il le montanisme comme seul exemple du prétendu don de prophétie dans l’Église primitive et passa-t-il ensuite à Wesley ? (Rice, p. 638). Bien que cela ne soit pas dit explicitement, c’est l’impression qu’ils donnent en utilisant de façon limitée les termes relatifs au don de prophétie (prophétiser, prophète, voyant), contrairement aux Pères apostoliques. Quand ils les utilisaient, c’était avant tout pour faire une référence positive aux Écritures hébraïques ou pour critiquer toute personne affirmant avoir un message de Dieu en dehors de la tradition apostolique de l’Église. Cependant, ces occurrences étaient rares. L’attitude d’Irénée et de Cyprien devint la norme. Nous avons la confirmation qu’il en était ainsi au sein du christianisme orthodoxe, car il n’y a qu’une seule référence à un prophète dans Sentences Livre 4 de Peter Lombard, où il présente les sacrements et les ministères de l’Église sous le titre La doctrine des signes. Citant le travail d’Isidore de Séville (vers 636) sur l’étymologie des mots, la référence de Lombard (vers 1160) à un prophète est celle-ci : «Au sujet d’un voyant : Un voyant (Vates en latin) est appelé ainsi en raison de la force de son esprit (vi mentis). Le sens de ce mot est multiple. Parfois il signifie prêtre, parfois prophète, parfois poète.» (Distinction XXIV. 18 [148]) 795 Peter Lombard, The Sentences - Book 4 : On the Doctrine of Signs, ed. Joseph Goering and Giulio Silano, trans. Giulo Silano, Mediaeval Sources in Translation, p. 48 (Toronto : Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 2007), p. 149 ; concernant l’influence de Lombard dans le domaine de la théologie chrétienne, voir Marcia L. Colish, Medieval Foundations of the Western Intellectual Tradition, 400-1400, Yale Intellectual History of the West (New Haven, Conn. : Yale University Press, 1997), p. 282.. La brièveté et l’imprécision de cette référence parlent d’elles-mêmes. Le fait que ce livre de Lombard soit devenu le manuel de théologie du haut Moyen Âge jusqu’à la Réforme est intéressant. Il résume ce que le catholicisme enseigna pendant des siècles avant lui.DDP 249.2

    L’attitude consistant à ignorer la possibilité qu’il y ait eu des prophètes itinérants et l’affirmation selon laquelle l’autorité divine était réservée à l’Église sont la confirmation de ce qu’Ignace suggérait plus tôt et de ce que disaient Hermas et Didachè. Les évêques devinrent l’objet de l’effusion de l’Esprit, alors qu’en dehors de l’Église, il n’y avait qu’un désert spirituel. Ainsi, il devint impossible de faire des reproches aux responsables. Autrement dit, en subordonnant la voix prophétique divine aux évêques, on croyait qu’il n’était plus utile que Dieu exprime des reproches car l’Église était parfaite, ancrée dans la vérité - c’est du moins l’opinion qui était répandue dans le christianisme majoritaire. Cependant, tout le monde ne voyait pas les choses ainsi.DDP 250.1

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