Réaction protestante : le principe Sola Scriptura
La Réforme du 16 ème siècle fut avant tout une Réforme herméneutique qui donna lieu à une Réforme ecclésiastique. L’un des principes de la Réforme était donc Sola Scriptura, qui impliquait (1) la reconnaissance théorique de l’Écriture comme seule règle de foi et de pratique dans le domaine religieux, et (2) la mise en application pratique de ce principe dans l’interprétation de l’Écriture. Concernant la perspective théorique, Luther déclara clairement : «Ainsi, l’Écriture est sa propre lumière. Il est bien que l’Écriture s’interprète par elle-même.» À la Diète de Worms (1521), Luther affirma qu’il n’acceptait pas «l’autorité des papes et des conciles, car ils se contredisaient». Sauf s’il était convaincu «par le principe Sola Scriptura et un véritable raisonnement», il ne changerait pas d’avis.DDP 346.1
Jean Calvin affirma de façon plus explicite : «Ceux qui sont réellement inspirés par l’Esprit se fient à l’Écriture», et «l’Écriture démontre sa propre authenticité ; ainsi, il n’est pas bien de la soumettre à des preuves et des raisonnements». De la même façon, l’article six des trente-neuf articles de l’Église d’Angleterre (1571) dit ceci :DDP 346.2
«Les saintes Écritures contiennent tout ce qui est nécessaire au salut. Ainsi, tout ce qui ne s’y trouve pas ou tout ce qui ne peut pas être démontré dans les Écritures n’est pas requis de quiconque et ne doit pas être considéré comme une déclaration de foi, ou un critère de salut.»DDP 346.3
Cependant, d’un point de vue pratique, les réformateurs magistériels n’utilisèrent pas le principe Sola Scriptura pour rejeter toutes les autres sources religieuses. Non seulement Luther accepta les premiers credos œcuméniques et beaucoup de choses venant des Pères de l’Église, mais il écrivit aussi le Petit catéchisme (1529) et le Grand catéchisme (1529). De même, Calvin écrivit ses célèbres Institutions de la religion chrétienne (1536, revues en 1559) et son propre Catéchisme (1538). Beaucoup d’autres articles de foi furent rédigés, présentant diverses croyances et nuances protestantes. De plus, contrairement à Zwingli et Carlstadt qui rejetaient tout ce qui n’était pas confirmé par la Bible, Luther avait tendance à accepter ce que la Bible n’interdisait pas. Considérant que «tout ce qui n’est pas contre l’Écriture est conforme à l’Écriture », Luther conserva plusieurs éléments de la messe dans son modèle liturgique.DDP 346.4
Différentes tentatives furent faites pour définir le lien entre les Écritures inspirées et les déclarations et les écrits chrétiens non inspirés. Par exemple, le document intitulé «Formula of Concord, Solid Declaration» (1577) évoquait «une autorité triple », à savoir (1) les écrits prophétiques et apostoliques de l’Ancien et du Nouveau Testament qui sont «le seul critère ou la seule norme permettant de juger les enseignants et les doctrines» ; (2) «la véritable doctrine chrétienne» reposant sur la Parole de Dieu et résumée par les trois credos - le credo des apôtres, le credo de Nicée et le credo d’Athanase - et les articles doctrinaux ainsi que les déclarations de foi luthériennes ; et (3) «d’autres livres bons, utiles et saints, des interprétations des saintes Écritures, des articles réfutant les erreurs et des articles doctrinaux».DDP 347.1
Luther mettait l’accent sur l’autorité inconditionnelle de l’Écriture comparée à l’autorité relative et conditionnelle des théologiens de l’Église. Les traditions de l’Église qui s’avéraient être «basées sur l’Écriture» et les credos œcuméniques avaient une autorité secondaire, «parce qu’ils étaient conformes à l’Écriture». Par conséquent, selon la perspective protestante, un credo n’est qu’une norma normata (une règle de foi secondaire) ayant seulement «une autorité ecclésiastique et donc relative dépendant de son degré de conformité avec la Bible» qui est la norma normans (la règle de foi première) .DDP 347.2
Certains théologiens considèrent ce que l’on appelle le quadrilatère wesleyen comme une tentative tardive des évangéliques de remettre en question le principe protestant Sola Scriptura, attribuant à l’Écriture, à la tradition, à la raison et à l’expérience le même niveau d’autorité. Mais A. D. Thorsen souligne qu’un tétraèdre - autrement dit un objet plat ayant quatre faces triangulaires formant une pyramide - représenterait mieux la théologie de John Wesley. «L’Écriture serait le fondement de la pyramide et les trois autres faces seraient la tradition, la raison et l’expérience qui sont complémentaires mais qui ne sont pas les sources primaires de l’autorité religieuse. Selon cette analogie, l’Écriture serait toujours le critère permettant d’évaluer la validité des autres sources.DDP 347.3
Cependant, Alister E. McGrath affirme que «la seule branche de la Réforme qui mit en pratique le principe Sola Scriptura de façon cohérente fut la Réforme radicale, soit l’anabaptisme». Mais même les anabaptistes qui acceptaient les sept articles de la Confession de Schleitheim (1527) ne firent pas grand-chose pour restaurer les vérités bibliques en faisant référence au principe Sola Scriptura. Ainsi, la devise «l’Église réformée, toujours réformée selon la Parole de Dieu» (ecclesia reformata, semper reformanda, secundum verbum Dei) reste le but constant de ceux qui veulent poursuivre le processus de restauration qui fut initié par la Réforme protestante.DDP 348.1