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    5 - John Wycliffe

    Avant la Réforme, il ne subsistait parfois qu’un très petit nombre d’exemplaires de la Bible; mais Dieu n’avait pas permis que sa Parole soit totalement détruite. Les vérités qu’elle contenait ne devaient pas rester cachées pour toujours. Dieu aurait pu aussi facilement délier la Parole de vie qu’ouvrir les portes des prisons et déverrouiller des portes de fer pour libérer ses serviteurs. Dans les différents pays d’Europe, l’Esprit de Dieu poussa des hommes à rechercher la vérité comme un trésor caché. Guidés providentiellement vers les Saintes Écritures, ils étudièrent ses pages sacrées avec un intérêt intense. Ils étaient disposés à accepter la lumière quel qu’en soit le prix. Bien qu’ils n’aient pas eu toute la clarté sur de nombreuses vérités, ils purent en percevoir de nombreuses restées longtemps cachées sous le boisseau. Véritables messagers du ciel, ils allèrent de l’avant, brisant les chaînes de l’erreur et de la superstition et invitant ceux qui étaient restés si longtemps dans la servitude à se lever et à affirmer leur liberté.GE3 67.1

    À part chez les Vaudois, la Parole de Dieu avait été, pendant des siècles, enfermée dans des langues connues seulement des érudits. Le moment était venu pour elle d’être traduite et donnée aux gens du peuple de différents pays dans leur langue maternelle. Le monde avait dépassé l’heure minuit. L’obscurité touchait à sa fin, et, dans de nombreux pays, apparurent les signes de l’aurore qui approchait.GE3 67.2

    C’est en Angleterre qu’au XIVe siècle apparut l’« étoile du matin de la Réforme ». John Wycliffe fut le héraut de la réforme, non seulement pour l’Angleterre, mais pour la chrétienté tout entière. La vigoureuse protestation contre Rome, que Dieu lui permit d’exprimer, ne devait jamais être réduite au silence. Cette protestation inaugura la lutte qui allait produire l’émancipation d’individus, d’Églises et de nations.GE3 67.3

    Bien qu’ayant reçu une éducation libérale, Wycliffe considérait que «le commencement de la sagesse, c’est la crainte du Seigneur»1Psaume 111.10.. Il se fit remarquer pendant ses études pour sa piété fervente autant que pour ses remarquables talents et sa solide érudition. Dans sa soif de connaissances, il chercha à s’initier à toutes les branches d’étude. Il étudia la philosophie scolastique, le droit canon et le droit civil, spécialement celui de sa patrie. Dans ses travaux ultérieurs, la qualité de ses premières études devint apparente. Une connaissance approfondie de la philosophie spéculative de son époque lui permit de démasquer les erreurs de celle-ci, tandis que l’étude du droit national et du droit canon le préparait à s’engager dans le grand combat pour la liberté civile et religieuse. Capable de manier les armes tirées de la Parole de Dieu, il avait acquis aussi la discipline intellectuelle des établisse- ments d’enseignement et comprenait les tactiques de ses professeurs. La puissance de son génie, l’étendue et la rigueur de ses connaissances lui valurent le respect de ses amis comme de ses ennemis. Au premier rang des grands esprits de sa nation, il faisait la satisfaction de ses partisans. Ses ennemis ne purent donc discréditer la cause de la Réforme en alléguant l’ignorance ou la faiblesse de son champion.GE3 67.4

    Wycliffe se lança dans l’étude des Écritures avant même la fin de ses études. À cette époque, il n’était possible de lire la Bible que dans des langues anciennes, seuls les érudits avaient accès à la fontaine de vérité, cachée aux classes sociales sans instruction. Ainsi, le chemin avait déjà été préparé pour les futurs travaux de Wycliffe en tant que réformateur. Des hommes instruits avaient étudié la Parole de Dieu et y avaient découvert la grande vérité de sa grâce librement offerte. Ils avaient contribué par leur enseignement à la diffusion et à la connaissance de cette vérité, ce qui en avait incité d’autres à se tourner vers cette vivante Parole.GE3 68.1

    Lorsque Wycliffe se pencha sur les Écritures, il se plongea dans leur étude avec la même minutie qui lui avait permis de maîtriser les connaissances universitaires. Jusque-là, il avait ressenti un grand vide, que ni ses études scolastiques, ni les enseignements de l’Église n’avaient pu combler. C’est dans la Parole de Dieu qu’il trouva ce qu’il avait vainement cherché jusqu’alors. C’est là qu’il découvrit le plan du salut révélé et le Christ présenté comme le seul défenseur de l’homme. Il se consacra donc au service du Christ et décida de proclamer les vérités qu’il avait découvertes.GE3 68.2

    De même que les Réformateurs, Wycliffe n’avait pas prévu, au début de ses travaux, où ceux-ci allaient le conduire. Il ne s’opposa pas délibérément à Rome, mais sa consécration à la recherche de la vérité ne pouvait que l’entraîner dans un conflit avec le mensonge. Plus il discernait les erreurs de la papauté, et plus il présentait avec ferveur les enseignements de la Bible. Il comprit que Rome avait abandonné la Parole de Dieu au profit de traditions humaines. Il accusa hardiment les prêtres d’avoir banni les Écritures, et exigea que la Bible soit rendue aux gens du peuple et que son autorité soit restaurée au sein de l’Église. C’était un professeur compétent et fervent, un prédicateur éloquent, dont la vie quotidienne était une démonstration vivante des vérités qu’il prêchait. Sa connaissance des Écritures, la vigueur de son raisonnement, la pureté de sa vie, son courage indomptable et son intégrité lui gagnèrent l’estime et la confiance générales. Bien des gens du peuple, déçus de leur ancienne foi en voyant l’iniquité se répandre dans les rangs de l’Église romaine, accueillirent avec une joie non dissimulée les vérités présentées par Wycliffe. Les dirigeants furent remplis de rage lorsqu’ils constatèrent que l’influence de ce réformateur dépassait la leur.GE3 68.3

    Wycliffe avait le don de détecter l’erreur. Il s’attaqua hardiment à un grand nombre d’abus approuvés par l’autorité de l’Église romaine. Comme il remplissait les fonctions d’aumônier du roi, il s’éleva avec fermeté contre le versement du tribut exigé par le pape au monarque anglais. Il démontra que la prétention du souverain pontife à exercer son autorité sur les dirigeants séculiers était contraire à la raison et à la révélation. Les exigences du pape avaient provoqué une profonde indignation, et les enseignements de Wycliffe exercèrent une influence considérable sur les grands esprits de sa nation. Le roi et la noblesse s’unirent donc pour lutter contre les prétentions du pontife à l’autorité temporelle et refusèrent le paiement de ce tribut. Ainsi, un coup redoutable fut asséné à la suprématie papale en Angleterre.GE3 68.4

    Un autre abus contre lequel ce réformateur dut livrer une bataille longue et résolue fut l’établissement des ordres de moines mendiants. Ces moines pullulaient en Angleterre, compromettant la grandeur et la prospérité de la nation. L’industrie, l’enseignement, les mœurs, tout se ressentait de leur pernicieuse influence. En plus d’être un lourd fardeau pour les ressources du peuple, la vie d’oisiveté et de mendicité de ces moines dévalorisait le travail utile. La moralité des jeunes déclinait, et ils se corrompaient. L’influence de ces moines amenait beaucoup à entrer au couvent pour se consacrer à la vie monastique, non seulement sans le consentement de leurs parents, mais même à leur insu et contre leur volonté. L’un des anciens Pères de l’Église romaine, plaçant les exigences de la vie monastique au-dessus des obligations de l’amour et des devoirs filiaux, avait déclaré: « Même si ton père se couche devant ta porte en pleurant et en se lamentant, et même si ta mère te montre le corps qui t’a porté et le sein qui t’a allaité, il vaut mieux les fouler aux pieds et aller tout droit vers le Christ. » Par cette « monstrueuse inhumanité, comme Luther l’appela plus tard, qui rappelle davantage le loup et le tyran que le chrétien et l’homme », le cœur des enfants s’était endurci contre leurs parents 2Barnas Sears, The Life of Luther [La vie de Luther], p. 70, 69.. Ces dirigeants, comme les Pharisiens d’autrefois, « annulaient [...] la parole de Dieu par la tradition »3Marc 7.13.. C’est ainsi que des foyers étaient abandonnés et que des parents étaient privés de la compagnie de leurs fils et de leurs filles.GE3 69.1

    Les étudiants des universités eux-mêmes étaient induits en erreur par les attitudes fausses des moines et poussés à entrer dans les ordres. Beaucoup d’entre eux regrettaient cette décision quelque temps plus tard, prenant conscience qu’ils avaient brisé leur propre vie et causé du chagrin à leurs parents. Mais une fois pris au piège, il leur était impossible de recouvrer leur liberté. De nombreux parents, redoutant l’influence de ces moines, refusaient d’envoyer leurs fils à l’université. On nota une nette baisse du nombre des étudiants dans les grands centres d’enseignement. Ceux-ci dépérissaient et l’ignorance régnait.GE3 69.2

    Le pape avait accordé à ces moines le pouvoir d’entendre les gens en confession et de leur accorder l’absolution. Ce fut une source de grands maux. Dans le but d’augmenter leurs gains, les moines étaient tellement disposés à accorder l’absolution que des criminels de toutes sortes s’adressaient à eux, ce qui produisit une augmentation rapide des pires vices. Les malades et les pauvres étaient abandonnés à leurs souffrances, pendant que les dons qui auraient dû servir à répondre à leurs besoins allaient aux moines. Ceux-ci réclamaient à grand renfort de menaces des aumônes aux gens du peuple, les dénonçant comme impies s’ils refusaient d’apporter leurs dons à leur ordre. Malgré leur vœu de pauvreté, la richesse des ecclésiastiques augmentait constamment. Leurs magnifiques édifices et leurs tables luxueusement servies rendaient encore plus apparente la pauvreté croissante de la nation. Tandis qu’ils passaient leur temps dans le luxe et les plaisirs, ils se faisaient remplacer dans leurs fonctions par des hommes ignorants, dont le talent se bornait à raconter des contes merveilleux, des légendes et des plaisanteries pour amuser les gens du peuple et les duper encore plus complètement. Les moines conservaient leur emprise sur les foules superstitieuses, les amenant à croire que le plus grand des devoirs religieux était de reconnaître la suprématie du pape, de vénérer les saints et de faire des dons à leur ordre, et que c’était suffisant pour leur assurer une place au paradis.GE3 69.3

    Des hommes érudits et pieux avaient tenté en vain de produire une réforme au sein de ces ordres monastiques. Wycliffe, plus perspicace, s’attaqua à la racine du mal, en dénonçant la fausseté du système et en encourageant son abolition. Cela suscita des polémiques et des enquêtes. Lorsque les moines parcoururent le pays en vendant les indulgences du pape, de nombreuses personnes commencèrent à mettre en doute la possibilité d’acheter le pardon à prix d’argent. Elles se demandaient s’il n’était pas préférable de chercher le pardon auprès de Dieu plutôt qu’auprès du pontife de Rome 4Voir appendice, note 15.. Un grand nombre d’entre elles étaient choquées par la rapacité des moines, dont la cupidité semblait insatiable. « Les moines et les prêtres de Rome, disaient-ils, nous rongent comme un cancer. Il faut que Dieu nous en délivre, sinon le peuple périra 5J.H. Merle d’Aubigné, Histoire de la Réformation du seizième siècle, livre 17, chapitre 7.. » Pour dissimuler leur avidité, ces moines mendiants prétendaient suivre l’exemple du Sauveur, en déclarant que Jésus et ses disciples avaient vécu de la charité publique. Cette prétention se retourna contre eux, car elle amena de nombreuses personnes à rechercher elles-mêmes la vérité dans la Bible, ce qui n’était pas du tout le souhait de Rome. L’esprit de ces hommes se tourna vers la Source de la vérité, que Rome cherchait à occulter.GE3 70.1

    Wycliffe commença à écrire. Il publia des traités contre les moines, non dans l’intention d’entrer en conflit avec eux, mais plutôt pour orienter l’esprit du peuple vers les enseignements de la Bible et son Auteur. Il déclara que le pape, ainsi que les prêtres ordinaires, n’avait pas le pouvoir d’accorder l’absolution ou d’excommunier et que nul ne pouvait vraiment être excommunié à moins qu’il ait attiré sur lui la condamnation de Dieu. Il n’aurait pas pu mieux s’y prendre pour renverser ce gigantesque réseau de domination spirituelle et temporelle érigé par le pape, dans lequel les âmes et les corps de millions de personnes étaient retenus prisonniers.GE3 70.2

    Wycliffe fut de nouveau appelé à défendre les droits de la couronne d’Angleterre contre les empiètements de Rome. Nommé ambassadeur royal, il passa deux années aux Pays-Bas à s’entretenir avec les représentants du pape. C’est là qu’il fit la connaissance d’ecclésiastiques venus de France, d’Italie et d’Espagne et qu’il eut l’occasion de jeter un coup d’œil en coulisse et de découvrir bien des choses qui lui seraient demeurées cachées s’il était resté en Angleterre. Ces découvertes allaient lui être utiles dans ses travaux ultérieurs. Chez ces représentants de la cour de Rome, il vit le véritable caractère et les véritables objectifs de la hiérarchie papale. Il repartit pour l’Angleterre afin de reprendre son enseignement, mais plus ouvertement et avec un plus grand zèle, déclarant que la cupidité, l’orgueil et la fraude étaient devenus les dieux de Rome.GE3 70.3

    Dans l’un de ses traités, il disait, parlant du pape et de ses quêteurs : « Ils tirent de notre pays la subsistance des pauvres. Chaque année, ils puisent une quantité d’argent dans les caisses du roi en paiement de sacrements et d’actes spirituels, ce qui constitue l’hérésie maudite de la simonie. Toute la chrétienté est soumise à l’obligation d’approuver et d’entretenir cette hérésie. Même si notre pays possédait une énorme montagne d’or et que jamais personne — sinon le quêteur de ce prêtre orgueilleux et mondain — n’y prît quoi que ce soit, à la longue cette montagne s’épuiserait; car dans cette simonie, il ne reçoit jamais rien d’autre en échange de son argent que la malédiction divine 6John Lewis, History of the Life and Sufferings of J. Wiclif [Histoire de la vie et des souffrances de John Wycliffe], p. 37..”GE3 70.4

    Peu après son retour en Angleterre, Wycliffe fut nommé par le roi recteur de Lutterworth. C’était l’assurance que le franc-parler de ses propos n’avait pas déplu au monarque. L’influence de Wycliffe se fit sentir non seulement sur les décisions de la cour, mais aussi sur la foi de la nation.GE3 71.1

    Les foudres papales se déchaînèrent bientôt contre lui. Trois bulles papales furent envoyées en Angleterre: une à l’université, une au roi et une aux prélats, toutes ordonnant des mesures immédiates et décisives pour réduire au silence ce fauteur d’hérésie 7Augustus Neander, General History of the Christian Religion and Church [Histoire générale de la religion chrétienne et de l’Église], période 6, section 2, 1re partie, paragraphe 8. Voir aussi appendice, note 16.. Avant l’arrivée de ces bulles, les évêques, dans leur zèle, avaient déjà sommé Wycliffe de comparaître devant eux. Mais deux des plus puissants princes du royaume l’accompagnèrent devant ce tribunal ; et les gens du peuple, entourant le bâtiment et s’efforçant d’y pénétrer, intimidèrent les juges de telle sorte que le procès fut suspendu pour un temps et qu’on laissa Wycliffe partir en paix. Peu de temps après, le roi Édouard III, que les prélats s’efforçaient d’influencer dans sa vieillesse contre le réformateur, mourut, et l’ancien protecteur de Wycliffe devint régent du royaume.GE3 71.2

    L’arrivée de la bulle papale imposait à toute l’Angleterre l’ordre impératif d’arrêter et d’emprisonner l’hérétique. Ces mesures impliquaient clairement la mort sur le bûcher. Il semblait certain que Wycliffe serait bientôt la proie de la vengeance de Rome. Mais celui qui avait déclaré autrefois « N’aie pas peur [...] ! Je suis moi-même ton bouclier 8Genèse 15.1.” étendit de nouveau la main pour protéger son serviteur. La mort frappa non le réformateur, mais le pontife qui avait décrété sa perte. Le pape Grégoire XI mourut, et les ecclésiastiques qui s’étaient assemblés pour le procès de Wycliffe se dispersèrent.GE3 71.3

    La providence divine dirigea à nouveau les événements pour donner à la Réforme la possibilité de se développer. La mort du pape Grégoire XI fut suivie de l’élection de deux papes rivaux. Deux puissances opposées, chacune prétendant à l’infaillibilité, exigeaient l’obéissance 9Voir appendice, note 17.. Chacun des deux papes appelait les fidèles à l’aider à combattre l’autre, en assortissant ses exigences d’effrayants anathèmes contre ses adversaires et en promettant la récompense céleste à ses partisans. Cette situation affaiblit considérablement le pouvoir de la papauté. Les factions rivales avaient assez à faire dans le conflit les opposant, ce qui laissa Wycliffe en repos pendant un certain temps. Anathèmes et récriminations s’entrecroisaient d’un pape à l’autre, et des torrents de sang furent versés pour soutenir leurs prétentions contradictoires. L’Église fut éclaboussée de crimes et de scandales. Pendant ce temps, le réformateur, dans la paisible retraite de sa paroisse de Lutterworth, travaillait avec zèle à diriger les hommes non vers les papes rivaux, mais vers Jésus, le « Prince de paix» 10Ésaïe 9.5..GE3 71.4

    Ce schisme, avec toutes les luttes et toutes les corruptions qu’il produisit, prépara le chemin à la Réforme en permettant aux gens du peuple de découvrir la véritable nature de la papauté. Dans un traité intitulé On the Schism of the Popes [Le schisme des papes], Wycliffe invita le peuple à se demander si ces deux prêtres ne disaient pas la vérité en se condamnant l’un l’autre comme l’antéchrist. « Dieu, expliqua-t-il, ne tolère plus que l’ennemi règne en un seul de ces prêtres, mais [...] il a créé la division entre eux deux, pour que les hommes, au nom du Christ, puissent plus facilement les vaincre 11R. Vaughan, Life and Opinions of John de Wycliffe [Vie et opinions de John Wycliffe], volume 2, p. 6.. ”GE3 71.5

    Wycliffe, comme son Maître, prêchait l’Évangile aux pauvres. Non content de répandre la lumière dans les humbles demeures de sa propre paroisse de Lutterworth, il décida de la porter dans toutes les parties de l’Angleterre. Pour réaliser ce plan, il organisa un groupe de prédicateurs, simples et pieux, aimant la vérité et ne désirant rien tant que de la propager. Ces hommes allèrent partout, enseignant sur les places de marché, dans les rues des grandes villes et dans les chemins de campagne. Ils recherchaient les personnes âgées, les malades et les pauvres, et leur exposaient la bonne nouvelle de la grâce de Dieu.GE3 72.1

    En sa qualité de professeur de théologie à Oxford, Wycliffe prêchait la Parole de Dieu dans les salles de cours de l’université. Il présentait si fidèlement la vérité à ses étudiants qu’on lui décerna le titre de « docteur de l’Évangile ». Mais la plus grande œuvre de sa vie allait être la traduction des Écritures en anglais. Dans un de ses ouvrages, On the Truth and Meaning of Scripture [La véracité et le sens des Écritures], il exprimait son intention de traduire la Bible, afin que tous en Angleterre puissent lire, dans leur langue maternelle, les œuvres merveilleuses de Dieu.GE3 72.2

    Mais ses travaux furent soudain interrompus. Bien que n’ayant pas encore atteint la soixantaine, il était épuisé physiquement et vieilli prématurément par le travail incessant, l’étude et les attaques de ses ennemis. Il contracta une dangereuse maladie. Cette nouvelle causa une grande joie aux moines : ils pensèrent que Wycliffe allait maintenant se repentir amèrement du mal qu’il avait fait à l’Église. Ils se précipitèrent dans sa chambre pour l’entendre en confession. Des représentants des quatre ordres religieux, accompagnés de quatre magistrats, s’assemblèrent autour de celui qu’ils croyaient mourant. « Vous avez la mort sur les lèvres, lui dirent-ils. Prenez conscience de vos fautes et retirez en notre présence tout ce que vous avez dit contre nous.” Le réformateur les écouta en silence, puis il demanda à son ser-viteur de l’aider à s’asseoir sur son lit. Le regard fixé sur ceux qui attendaient une rétractation, il leur dit, de cette voix ferme et forte qui les avait si souvent fait trembler : « Je ne mourrai pas, mais je vivrai ; et je continuerai à dénoncer les méfaits des moines 12J. H. Merle d’Aubigné, op. cit., livre 17, chapitre 7. ! » Étonnés et décontenancés, les moines quittèrent sa chambre en toute hâte.GE3 72.3

    Ces paroles de Wycliffe s’accomplirent. Il vécut pour mettre entre les mains de ses concitoyens la plus puissante de toutes les armes permettant de lutter contre Rome: la Bible, l’instrument désigné par le ciel pour libérer, éclairer et évangéliser le peuple. Il fallut surmonter de nombreux et grands obstacles pour réaliser cette œuvre. Wycliffe était accablé d’infirmités ; il savait qu’il ne lui restait plus que quelques courtes années de travail. Il voyait l’opposition qu’il devrait rencontrer, mais, encouragé par les promesses de la Parole de Dieu, il poursuivit son œuvre sans se laisser intimider. En pleine possession de ses capacités intellectuelles, riche en expériences, il avait été spécialement gardé et préparé par la providence divine pour sa plus grande œuvre. Alors que toute la chrétienté s’agitait, le réformateur, dans son rectorat de Lutterworth, sans prendre garde à l’orage qui grondait à l’extérieur, s’appliqua à la tâche qu’il avait choisie.GE3 72.4

    Cette œuvre fut enfin terminée : la première traduction de la Bible en anglais jamais réalisée. La Parole de Dieu s’offrait à l’Angleterre. Désormais, le réformateur ne craignait plus la prison ni le bûcher. Il avait mis dans la main du peuple anglais une lumière qui ne devait jamais s’éteindre. En donnant la Bible à ses concitoyens, il avait fait plus pour briser les chaînes de l’ignorance et du vice, pour libérer et élever son pays que tout ce qui fut jamais réalisé sur les champs de bataille par les plus brillantes victoires.GE3 73.1

    L’imprimerie étant encore inconnue, ce n’était que par un travail lent et fatigant qu’on pouvait multiplier les exemplaires de la Bible. Le désir d’obtenir ce livre était si grand que de nombreuses personnes s’engageaient volontiers dans ce travail de copiste. Cependant, c’était avec difficulté que les copistes pouvaient répondre à la demande. Certains acheteurs, les plus riches, désiraient posséder la Bible tout entière, d’autres n’en achetaient qu’une portion. Dans de nombreux cas, plusieurs familles s’unissaient pour en acheter un exemplaire. C’est ainsi que la Bible de Wycliffe trouva bientôt le chemin des foyers des gens du peuple.GE3 73.2

    Son appel à la raison humaine les éveilla de leur soumission passive aux dogmes papaux. Wycliffe enseignait maintenant les doctrines distinctives du protestantisme : le salut par la foi en Christ et la seule infaillibilité des Écritures. Les prédicateurs qu’il avait envoyés diffusèrent la Bible, ainsi que les écrits du réformateur, avec un tel succès que près de la moitié de la population anglaise accepta cette foi nouvelle.GE3 73.3

    La publication des Écritures jeta la consternation dans les rangs des autorités de l’Église. Celles-ci devaient maintenant affronter une force plus puissante que celle de Wycliffe, contre laquelle leurs armes seraient pratiquement inutiles. Il n’existait à cette époque en Angleterre aucune loi interdisant la diffusion de la Bible, car celle-ci n’avait jamais été publiée dans la langue maternelle des gens du peuple. De telles lois furent, plus tard, promulguées et rigoureusement appliquées. En attendant, malgré les efforts des prêtres, il y eut, pendant un certain temps, la possibilité de diffuser la Parole de Dieu.GE3 73.4

    Les dirigeants papaux projetèrent à nouveau de réduire au silence la voix du réformateur. Celui-ci fut convoqué successivement devant trois tribunaux, mais en vain. Tout d’abord, un synode d’évêques déclara hérétiques ses écrits. Gagnant à sa cause le jeune roi Richard II, ce synode obtint de lui un décret royal ordonnant l’emprisonnement de tous ceux qui professeraient les doctrines condamnées.GE3 73.5

    Wycliffe fit appel au Parlement des décisions de ce synode. Il accusa sans crainte la hiérarchie devant l’assemblée nationale et exigea une réforme des abus considérables autorisés par l’Église. Avec puissance et conviction, il démontra l’usurpation et les corruptions du siège papal. Ses ennemis furent couverts de confusion. Ses amis et ses partisans ayant été forcés de se soumettre, on s’attendait avec confiance à ce que le réformateur lui-même, âgé et seul, plie aussi devant l’autorité combinée de la couronne royale et de la mitre papale. Mais, au lieu de cela, ce furent les papistes qui se virent défaits. Le Parlement, éveillé par les appels vibrants de Wycliffe, révoqua l’édit de persécution, et le réformateur recouvra une fois de plus la liberté.GE3 73.6

    Wycliffe fut cité une troisième fois à comparaître devant un tribunal, et cette fois devant le plus haut tribunal ecclésiastique du royaume. On ne pouvait s’attendre à aucune indulgence en faveur de l’hérétique. Rome allait enfin triompher ; l’œuvre du réformateur allait être stoppée. C’est ce que pensaient les papistes. S’ils pouvaient seulement réaliser leurs desseins, Wycliffe serait forcé d’abjurer ses doctrines ou de quitter le tribunal pour les flammes du bûcher.GE3 74.1

    Or, Wycliffe ne se rétracta pas. Il opta pour la vérité. Sans crainte, il maintint ses enseignements et repoussa les accusations de ses persécuteurs. S’oubliant lui-même, oubliant sa position et la situation dans laquelle il se trouvait, il convoqua ses auditeurs devant le tribunal divin et pesa leurs sophismes et leurs tromperies dans la balance de la vérité éternelle. Les personnes présentes dans cette salle du conseil ressentirent la puissance du Saint-Esprit. Il y avait sur les auditeurs comme un charme divin. Ils semblaient incapables de quitter leur place. Comme des flèches prises dans le carquois du Seigneur, les paroles du réformateur transpercèrent leur cœur. Avec une grande puissance de conviction, il retourna contre eux l’ac-cusation d’hérésie qu’ils avaient lancée contre lui. Il leur demandait en effet pourquoi ils osaient répandre de telles erreurs; si c’était par amour du gain ou pour faire de la grâce de Dieu une marchandise.GE3 74.2

    « Contre qui, leur demanda-t-il enfin, pensez-vous combattre ? Contre un vieillard au bord du tombeau ? Non ! C’est contre la Vérité, une Vérité plus puissante que vous, et qui vous vaincra 13J.A. Wylie, Histoire du protestantisme, livre 2, chapitre 13.. » Sur ces paroles, il se retira de cette assemblée, et aucun de ses adversaires ne tenta de l’en empêcher.GE3 74.3

    L’œuvre de Wycliffe était presque achevée. La bannière de la vérité, qu’il avait brandie pendant si longtemps, allait bientôt tomber de sa main. Cependant, il devait rendre témoignage à l’Évangile une fois de plus. Depuis la forteresse même du royaume de l’erreur, la vérité allait être proclamée. Wycliffe fut convoqué pour être jugé devant le tribunal papal à Rome, qui avait si souvent versé le sang des saints. Il n’était pas aveugle au danger qui le menaçait et aurait répondu à cette convocation si une attaque de paralysie ne l’avait mis dans l’incapacité d’entreprendre ce voyage. Mais, bien qu’il ne pût faire entendre sa voix à Rome, il décida de le faire par écrit. Depuis son rectorat, le réformateur écrivit donc au pape une lettre qui, malgré son ton respectueux et son esprit chrétien, constituait une réprimande cuisante contre la pompe et l’orgueil du siège papal.GE3 74.4

    « En vérité, je me réjouis, disait-il dans cette lettre, de pouvoir partager avec chaque homme la foi que je professe, et spécialement avec l’évêque de Rome ; cette foi étant — comme je le crois — raisonnable et véridique, celui-ci la confirmera volontiers, ou, si elle est erronée, la corrigera.GE3 74.5

    «Tout d’abord, je crois que l’Évangile du Christ est le corps tout entier de la loi de Dieu. [...] Je reconnais et professe que l’évêque de Rome, étant le vicaire du Christ sur la terre, est le plus tenu, parmi tous les hommes, à observer cette loi de l’Évangile. Car la grandeur parmi les disciples du Christ ne consistait ni en dignité ni honneurs de ce monde, mais à suivre fidèlement et exactement le Christ dans sa vie et dans son comportement. [... ] Lui qui, au cours de son pèlerinage terrestre, a vécu dans une extrême pauvreté, détestant et rejetant toute autorité et tout honneur de ce monde. [...]GE3 74.6

    « Aucun fidèle ne doit donc suivre ou bien le pape lui-même, ou bien n’importe quel saint homme, sinon sur les points sur lesquels ceux-ci ont imité le Seigneur Jésus-Christ; car Pierre et les fils de Zébédée, en convoitant les honneurs de ce monde, contrairement à leur devoir de suivre les traces de Jésus, ont commis une faute; par conséquent, on ne doit pas les suivre dans ces erreurs. [...]GE3 75.1

    « Le pape doit laisser au pouvoir séculier toute la domination et toutes les législations temporelles, et exhorter efficacement tout le clergé à agir de même. C’est là ce que fit le Christ, et en particulier ses apôtres. Par conséquent, si je me suis trompé sur n’importe lequel de ces points, je me soumettrai très humblement à la correction, et à la mort si nécessaire. Si je pouvais agir en personne selon ma volonté et mon désir, je me présenterais certainement devant l’évêque de Rome; mais le Seigneur m’a visité pour me montrer le contraire, et m’a appris qu’ “il faut obéir à Dieu plutôt qu’à des humains” 14Actes 5.29. »GE3 75.2

    Il conclut ainsi : « Prions notre Dieu d’éveiller le cœur de notre pape Urbain VI, comme il a commencé à le faire, afin que lui et son clergé puissent suivre notre Seigneur Jésus-Christ dans sa vie et dans son comportement; et qu’ils puissent enseigner les gens du peuple avec efficacité, afin qu’eux aussi puissent les suivre fidèlement dans la même voie 15John Foxe, Acts and Monuments [Actes et monuments], volume 3, p. 49, 50. »GE3 75.3

    C’est ainsi que Wycliffe présenta au pape et à ses cardinaux la douceur et l’humilité du Christ, révélant, non seulement à ces hommes mais aussi à toute la chrétienté, le contraste existant entre ceux-ci et le Maître dont ils se prétendaient les représentants.GE3 75.4

    Wycliffe s’attendait à payer sa fidélité de sa vie. Le roi, le pape et les évêques étaient d’accord pour ordonner sa perte. Il semblait certain que, dans quelques mois tout au plus, il se retrouverait sur le bûcher. Mais son courage demeura inébranlable. « Pourquoi parlez-vous de chercher au loin la couronne du martyre ? disait-il. Prêchez l’Évangile du Christ à ces hautains prélats, et vous ne manquerez pas de le subir. Quoi? Devrais-je vivre et rester silencieux? [...] Jamais! Que le coup tombe! Je l’attends 16J.H. Merle d’Aubigné, op. cit., livre 17, chapitre 8.!”GE3 75.5

    Mais la providence de Dieu protégea une fois de plus son serviteur. L’homme qui s’était dressé hardiment pour défendre la vérité, au péril quotidien de sa vie, ne devait pas tomber victime de la haine de ses ennemis. Wycliffe n’avait jamais cherché à se protéger lui-même, le Seigneur avait été son protecteur. Maintenant, alors que ses ennemis se sentaient sûrs de leur proie, la main de Dieu le mit hors de leur atteinte. Dans son église de Lutterworth, alors qu’il allait distribuer la communion, il tomba, frappé de paralysie, et mourut peu de temps après.GE3 75.6

    C’est Dieu qui avait désigné Wycliffe pour accomplir son œuvre. Il avait mis dans sa bouche la Parole de vérité et l’avait entouré de sa protection pour que cette Parole puisse atteindre les gens du peuple. Il avait protégé sa vie et prolongé ses travaux jusqu’à ce que fussent posées les fondations de la grande œuvre de la Réforme.GE3 75.7

    Wycliffe avait brisé les ténèbres du Moyen Âge. Il n’était apparu personne avant lui dont les travaux lui aurait permis de formuler son système de réforme. Suscité comme Jean-Baptiste pour accomplir une mission particulière, il fut le héraut d’une ère nouvelle. Cependant, le système de vérité qu’il présenta possédait une unité et une plénitude que les réformateurs qui le suivirent ne dépassèrent jamais, et que certains n’atteignirent pas, même un siècle plus tard. Il avait posé les fondations si largement et si profondément, la charpente si fermement et avec tant de vérité que ceux qui vinrent après lui n’eurent pas besoin de les reconstruire.GE3 76.1

    Le grand mouvement inauguré par Wycliffe, qui allait libérer les consciences et les esprits, ainsi que les nations si longtemps enchaînées au char triomphal de Rome, avait trouvé sa source dans la Bible. Elle est aussi la source de ce flot de bénédictions qui, comme l’eau de la vie, allait couler au travers des siècles à venir. Avec une foi absolue, Wycliffe avait accepté les Saintes Écritures comme révélation inspirée de la volonté de Dieu et norme suffisante de conduite et de foi. On lui avait appris à considérer l’Église de Rome comme l’autorité divine et infaillible et à accepter avec révérence, sans poser de questions, des enseignements et des coutumes datant d’un millénaire. Mais il s’en était détourné pour écouter la sainte Parole de Dieu. Telle était l’autorité qu’il exhortait les gens du peuple à reconnaître. Il déclarait que la véritable autorité était non l’Église parlant par la bouche du pape, mais la voix de Dieu parlant au travers de sa Parole. Il enseignait que la Bible est une révélation parfaite de la volonté de Dieu, que le Saint-Esprit en est le seul interprète et que chaque homme, grâce à une étude des principes qui s’y trouvent, doit trouver par lui-même quel est son devoir. C’est ainsi qu’il détournait l’esprit des hommes du pape et de l’Église de Rome pour le ramener vers la Parole de Dieu.GE3 76.2

    Wycliffe fut l’un des plus grands réformateurs. Peu de ses successeurs l’égalèrent en puissance intellectuelle, en clarté de pensée, en fermeté dans son souci de maintenir la vérité et en audace pour la défendre. La pureté de sa vie, son zèle infatigable pour l’étude et pour le travail, une intégrité incorruptible, un amour semblable à celui du Christ et la fidélité dans son ministère caractérisèrent le premier des réformateurs, malgré l’obscurantisme et la corruption morale du siècle dans lequel il parut.GE3 76.3

    Le caractère de Wycliffe est un témoignage vivant de la puissance éducatrice et transformatrice des Saintes Écritures. C’est la Bible qui fit de lui ce qu’il fut. L’effort pour saisir les grandes vérités de la révélation communique une fraîcheur et une vigueur nouvelles à toutes les facultés. Il élargit l’esprit, aiguise les facultés de perception et mûrit le jugement. L’étude de la Bible ennoblit chaque pensée, chaque sentiment et chaque aspiration comme aucune autre étude ne peut le faire. Elle donne de la stabilité à nos décisions, de la patience, du courage et de la force d’âme ; elle affine le caractère et sanctifie l’âme. Une étude sérieuse et respectueuse des Écritures amène l’esprit des étudiants en contact direct avec l’Ésprit infini et donne au monde des hommes intellectuellement plus forts et plus actifs, aux principes plus nobles que ce que la meilleure éducation inspirée par la philosophie humaine ait jamais pu produire. «La révélation de tes paroles éclaire, disait le psalmiste, elle donne de l’intelligence 17Psaume 119.130.. ”GE3 76.4

    Les doctrines enseignées par Wycliffe continuèrent à se répandre pendant un certain temps. Ses successeurs, connus sous le nom de Wycliffites et de Lollards, non seulement parcoururent l’Angleterre, mais se répandirent aussi dans d’autres pays en y apportant la connaissance de l’Évangile. Leur chef étant mort, ces prédicateurs travaillaient avec encore plus de zèle qu’auparavant, et des foules s’assemblaient pour écouter leurs enseignements. Quelques membres de la noblesse, et même l’épouse du roi, faisaient partie des convertis. On put voir en de nombreux endroits une réforme évidente dans le comportement des gens. On retira des lieux de culte les symboles idolâtres de l’Église romaine.GE3 77.1

    Mais bientôt, la tempête impitoyable de la persécution éclata sur ceux qui avaient osé accepter la Bible comme guide. Les monarques anglais, désireux de consolider leur pouvoir en s’assurant l’appui de Rome, n’hésitèrent pas à sacrifier les réformateurs. Pour la première fois dans l’histoire de l’Angleterre, les disciples de l’Évangile furent condamnés au bûcher. Les martyres se succédèrent. Les hérauts de la vérité, proscrits et torturés, ne purent que déverser leurs cris dans l’oreille de l’Éternel des armées. Pourchassés comme ennemis de l’Église et traîtres au royaume, ils continuèrent à prêcher dans des lieux secrets, trouvant refuge comme ils pouvaient dans les humbles maisons des pauvres, et se cachant souvent même dans des tanières et dans des cavernes.GE3 77.2

    Malgré la force de la persécution, une protestation calme, pieuse, fervente et patiente contre la corruption de la foi religieuse continua à se faire entendre pendant des siècles. Les chrétiens de cette époque ne possédaient qu’une connaissance partielle de la vérité, mais ils avaient appris à aimer la Parole de Dieu et à lui obéir. Ils souffrirent patiemment par amour pour elle. Comme les disciples à l’époque apostolique, beaucoup d’entre eux sacrifièrent leurs biens matériels pour la cause du Christ. Ceux qu’on laissait encore habiter chez eux abritaient volontiers les frères expulsés de leurs foyers ; et, lorsqu’à leur tour ils étaient chassés de chez eux, ils acceptaient avec joie le sort des proscrits. Des milliers d’entre eux, il est vrai, terrifiés par la furie de leurs persécuteurs, achetaient leur liberté au prix de leur foi. Ils sortaient de prison, vêtus de la robe des pénitents, pour publier leur rétractation. Cependant beaucoup — aussi bien des membres de la noblesse que des personnes d’humble condition — rendaient un témoignage hardi à la vérité dans leur cachot, dans les « tours de Lollards », au milieu des supplices et des flammes du bûcher, heureux d’être jugés dignes de «connaître [...] la communion de ses souffrances » 18Philippiens 3.10..GE3 77.3

    Les papistes n’avaient pas réussi à accomplir leur volonté à l’égard de Wycliffe au cours de sa vie. Leur haine ne pouvait être satisfaite tant que son corps reposerait paisiblement dans sa tombe. Par un décret du Concile de Constance, plus de quarante ans après sa mort, ses os furent exhumés et brûlés publiquement, ses cendres jetées dans un ruisseau voisin. «Ce ruisseau, déclare un ancien écrivain, a porté ses cendres dans l’Avons, l’Avon dans le Severn, le Severn dans le Canal de Bristol, et celui-ci dans le vaste Océan. Ainsi, les cendres de Wycliffe sont l’emblème de sa doctrine, disséminée aujourd’hui dans le monde entier 19T. Fuller, Church History of Britain [Histoire ecclésiastique de l’Angleterre], livre 4, section 2, paragraphe 54..” Ses ennemis ne se doutaient pas de la signification de leur acte malveillant.GE3 77.4

    Ce fut sous l’influence des écrits de Wycliffe que Jean Hus, en Bohême, renonça à un grand nombre des erreurs de l’Église romaine et se lança dans une œuvre de réforme. C’est ainsi que, dans ces deux pays si éloignés l’un de l’autre, la semence de la vérité fut jetée. Depuis la Bohême, cette œuvre s’étendit à d’autres pays. L’esprit des hommes fut dirigé vers la Parole de Dieu, si longtemps oubliée. Une main divine préparait le chemin de la grande Réforme.GE3 78.1

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