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    10 - Les progrès de la Réforme en Allemagne

    La mystérieuse disparition de Luther avait jeté la consternation dans toute l’Allemagne. On se demandait partout ce qu’il était devenu. Les rumeurs les plus folles circulaient, et beaucoup pensaient qu’on l’avait assassiné. Non seulement ses amis déclarés, mais aussi des milliers de personnes qui n’avaient pas encore pris position ouvertement en faveur de la Réforme se lamentaient amèrement. Beaucoup firent le serment solennel de venger sa mort.GE3 139.1

    Les dirigeants de l’Église romaine se rendirent compte avec terreur à quel point l’opinion publique leur était hostile. Après s’être d’abord réjouis de la mort supposée de Luther, ils souhaitèrent bientôt se cacher devant la colère du peuple. Ses ennemis n’avaient pas été aussi perturbés par ses actes les plus audacieux pendant qu’il était parmi eux qu’ils le furent par sa disparition. Ceux qui, dans leur rage, avaient cherché à détruire l’audacieux réformateur étaient remplis de crainte maintenant qu’il était devenu un captif impuissant. « Le seul moyen qui nous reste de nous sauver, dit l’un d’eux, est d’allumer des torches et de chercher Luther dans le monde entier pour le rendre à la nation qui le réclame’ 1 J. H. Merle d’Aubigné, Histoire de la Réformation du seizième siècle, livre 9, chapitre 1..» L’édit de l’empereur semblait avoir été inutile. Les légats du pape furent remplis d’indignation lorsqu’ils se rendirent compte que celui-ci attirait beaucoup moins l’attention que le sort de Luther.GE3 139.2

    La nouvelle qu’il était en sécurité, quoique prisonnier, calma les craintes des gens du peuple, tout en augmentant encore leur enthousiasme en sa faveur. Ses écrits furent lus avec encore plus d’avidité qu’auparavant. Un nombre toujours plus grand de personnes se joignirent à la cause de cet homme héroïque, qui avait, face à de si terribles difficultés, pris la défense de la Parole de Dieu. La Réforme se fortifiait sans cesse. La semence semée par Luther germait partout. Son absence accomplissait une œuvre que sa présence n’aurait pas pu faire. Ses collaborateurs ressentirent une nouvelle responsabilité, maintenant que leur grand chef avait été mis de côté. Avec une nouvelle foi et une nouvelle ferveur, ils allèrent de l’avant pour faire tout ce qui était en leur pouvoir afin que cette œuvre, si noblement commencée, ne soit pas enrayée.GE3 139.3

    Mais Satan ne restait pas inactif. Il essaya alors de faire ce qu’il avait tenté dans tous les autres mouvements de réforme: tromper et détruire le peuple de Dieu en lui faisant gober une contrefaçon au lieu de l’œuvre véritable. De même qu’il y avait eu de faux christs au premier siècle de l’Église chrétienne, de même il s’éleva de faux prophètes au XVIe siècle.GE3 139.4

    Quelques hommes, profondément affectés par l’effervescence qui régnait dans le monde religieux, s’imaginèrent qu’ils avaient reçu des révélations spéciales du ciel et se prétendirent mandatés par Dieu pour parachever la Réforme, qui, déclarèrent-ils, n’avait été qu’à peine ébauchée par Luther. En réalité, ils sapaient l’œuvre même accomplie par celui-ci. Ils rejetèrent le grand principe qui était à la base même du mouvement réformiste : la Parole de Dieu, règle suffisante de la foi et de la pratique. Ils remplacèrent ce guide infaillible par la norme variable et incertaine de leurs propres sentiments et impressions. En mettant de côté le grand détecteur de l’erreur et de la fausseté, ils ouvraient la porte à Satan, lui permettant de dominer les esprits selon sa volonté.GE3 139.5

    L’un de ces prophètes prétendait avoir reçu ses instructions de l’ange Gabriel. Un étudiant qui s’était joint à lui abandonna ses études, déclarant qu’il avait reçu de Dieu lui-même la sagesse nécessaire pour commenter sa Parole. D’autres, qui avaient une tendance naturelle au fanatisme, se joignirent à eux. Les activités de ces fanatiques créèrent une forte excitation. La prédication de Luther avait éveillé partout l’esprit des gens du peuple, leur faisant sentir la nécessité d’une réforme. Mais, maintenant, quelques personnes réellement honnêtes furent dévoyées par les prétentions de ces nouveaux prophètes.GE3 140.1

    Les chefs de ce mouvement se rendirent à Wittenberg et tentèrent de faire accepter leurs prétentions par Melanchthon et par ses collaborateurs. Ils leur dirent: « Nous sommes envoyés par Dieu pour instruire le peuple. Nous avons avec le Seigneur des conversations familières. Nous savons ce qui va arriver dans l’avenir. En un mot, nous sommes apôtres et prophètes, et faisons appel au Docteur Luther 2Ibid., chapitre 7.GE3 140.2

    Cela plongea les réformateurs dans l’étonnement et la perplexité. C’était là quelque chose qu’ils n’avaient jamais rencontré auparavant, et ils ne savaient quelle ligne de conduite adopter. Melanchthon déclara: « Il y a, à vrai dire, des esprits extraordinaires dans ces hommes; mais quels esprits? [...] D’un côté, gardons-nous d’éteindre l’Esprit de Dieu ; et, de l’autre, de nous laisser dévoyer par l’esprit de Satan 3Idem.. ”GE3 140.3

    Les fruits de ce nouvel enseignement devinrent bientôt apparents. Il amena les hommes à négliger la Bible, ou même à la rejeter complètement. Les établissements d’enseignement furent plongés dans la confusion. Les étudiants, rejetant toute contrainte, abandonnaient leurs études et quittaient l’université. Ces hommes, qui estimaient avoir la compétence voulue pour ranimer et diriger l’œuvre de la Réforme, ne réussirent qu’à l’amener au bord du précipice. Les partisans de l’Église romaine reprirent alors confiance et s’exclamèrent avec joie : « Un dernier combat, et nous aurons la victoire 4Idem.. ”GE3 140.4

    Luther, à la Wartburg, apprenant ce qui s’était passé, dit avec un profond souci : « Je me suis toujours attendu à ce que Satan nous envoie cette plaie 5Idem.. » Il avait perçu le véritable caractère de ces prétendus prophètes et s’était rendu compte du danger qui menaçait la cause de la vérité. L’opposition du pape et de l’empereur ne lui avait pas causé une aussi grande perplexité et une aussi grande détresse que celles qu’il vivait alors. Du milieu de ceux qui se prétendaient amis de la Réforme s’étaient dressés ses pires ennemis. Les vérités mêmes qui lui avaient apporté tant de joie et de consolation étaient maintenant utilisées pour susciter la discorde et créer la confusion dans l’Église.GE3 140.5

    Dans l’œuvre réformiste, Luther avait été poussé par le Saint-Esprit et emporté plus loin qu’il ne l’avait pensé au début. Il n’avait pas eu l’intention d’adopter les positions qu’il avait choisies, ni d’apporter des changements aussi radicaux. Il n’avait été qu’un instrument entre les mains de la Puissance infinie. Cependant, il tremblait souvent pour le résultat de son œuvre. Il avait dit une fois : « Si je savais que ma doctrine causait du tort à un seul homme, oui, à un seul homme, aussi humble et obscur soit-il (ce qui n’est pas possible, car c’est l’Évangile lui-même), je préférerais mourir dix fois plutôt que ne pas la répudier 6Idem.. »GE3 141.1

    Et maintenant, voici que Wittenberg, le centre même de la Réforme, tombait rapidement au pouvoir du fanatisme et de l’anarchie. Ce n’était pas des enseignements de Luther que provenait cette terrible situation. Mais, dans toute l’Allemagne, c’était lui que ses ennemis rendaient responsable. Dans l’amertume de son âme, il demandait parfois: « Est-ce ainsi que doit se terminer cette grande œuvre de réforme 7Idem. ? » Puis, lorsqu’il luttait avec Dieu par la prière, la paix revenait dans son cœur. « Cette œuvre n’est pas la mienne, disait-il, mais la tienne; tu ne permettras pas qu’elle soit corrompue par la superstition ou le fanatisme 8Idem.. » Mais la pensée de rester plus longtemps en dehors du conflit dans un tel moment de crise lui devenait intolérable. Il décida de retourner à Wittenberg.GE3 141.2

    Sans délai, il se mit en route pour ce périlleux voyage. Il était au ban de l’Empire. Ses ennemis avaient toute licence de lui ôter la vie. Il était interdit à ses amis de l’aider ou de l’héberger. Le gouvernement impérial adoptait les mesures les plus rigoureuses contre ses adhérents. Mais il se rendait compte que l’œuvre de l’Évangile était en danger, et, au nom du Seigneur, il partit hardiment combattre pour la vérité.GE3 141.3

    Dans une lettre envoyée à l’électeur de Saxe, après avoir exposé son intention de quitter la Wartburg, Luther disait: « Qu’il soit porté à la connaissance de votre altesse que je me rends à Wittenberg avec une protection très supérieure à celle des princes et des électeurs. Je ne pense nullement solliciter le soutien de votre altesse; et, loin de rechercher votre protection, je souhaiterais plutôt moi-même vous offrir la mienne. Si je savais que votre altesse pouvait ou désirait me protéger, je n’irais pas du tout à Wittenberg. Aucune épée ne peut faire avancer cette cause. C’est à Dieu seul de tout faire, sans l’aide ni la collaboration de l’homme. Celui qui possède la plus grande foi est aussi celui qui est le plus à même de protéger 9Ibid , chapitre 8.. »GE3 141.4

    Dans une deuxième lettre, écrite pendant le voyage qui le menait à Wittenberg, Luther ajoutait: « Je suis prêt à encourir le déplaisir de votre altesse et la colère du monde entier. Les habitants de Wittenberg ne sont-ils pas mes brebis ? Dieu ne les a-t-il pas confiés à ma garde? Ne dois-je pas, si c’est nécessaire, m’exposer à la mort par amour pour eux? En outre, je redoute de voir en Allemagne une terrible éruption de violence, par laquelle Dieu châtiera notre nation 10Ibid., chapitre 7.. ”GE3 141.5

    Il se mit au travail avec beaucoup de prudence et d’humilité, et cependant avec décision et fermeté. « C’est par la Parole, disait-il, que nous devons renverser et détruire ce qui a été mis en place par la violence. Je n’emploierai pas la force contre les superstitieux et les incrédules. [...] Nul ne doit être contraint. La liberté est l’essence même de la foi 11Ibid., chapitre 8.. ”GE3 141.6

    La rumeur se répandit rapidement dans tout Wittenberg que Luther était de retour et qu’il allait prêcher. Les gens accoururent de toutes les directions, et l’église fut remplie à craquer. Montant en chaire, il se mit, avec beaucoup de sagesse et de douceur, à enseigner, exhorter et reprendre. Faisant allusion à la ligne de conduite de certains qui avaient eu recours à des mesures violentes pour supprimer la messe, il déclara :GE3 142.1

    « La messe est une mauvaise chose, certes. Dieu lui est opposé ; elle doit être abolie; et je souhaite que, dans le monde entier, elle soit remplacée par la Cène de l’Évangile. Mais que personne n’en soit détourné par la force. Nous devons laisser cette affaire entre les mains de Dieu. C’est sa Parole qui doit agir, et non pas nous. Pourquoi? demanderez-vous. Parce que je ne tiens pas le cœur des hommes dans ma main comme le potier tient l’argile dans la sienne. Nous avons le droit de nous exprimer ; mais nous n’avons pas le droit d’agir. Prêchons ; le reste appartient à Dieu. Si j’employais la force, que gagnerais-je? Des grimaces, du formalisme, des singeries, des ordonnances humaines et de l’hypocrisie. [...] Mais il n’y aurait pas de sincérité de cœur, pas de foi, ni de charité. Là où manquent ces trois choses, tout manque, et je ne donnerais pas une queue de poire pour un tel résultat. [...] Dieu fait plus par sa seule Parole que vous et moi et le monde entier en unissant nos forces. Dieu s’empare du cœur; et, le cœur une fois pris, tout est gagné. [...]GE3 142.2

    « Je prêcherai, discuterai et écrirai ; mais je ne forcerai personne, car la foi est un acte volontaire. Voyez ce que j’ai fait: je me suis dressé contre le pape, les indulgences et les papistes, mais sans violence ni tumulte. J’ai mis en avant la Parole de Dieu; j’ai prêché et écrit; c’est tout ce que j’ai fait. Et, cependant, pendant que je dormais, [...] la Parole que j’avais prêchée renversait le papisme, au point qu’aucun prince ni empereur ne lui a jamais fait autant de mal. Et, cependant, je n’ai rien fait; c’est la Parole seule qui a tout fait. Si j’avais voulu avoir recours à la force, toute l’Allemagne aurait peut-être été plongée dans le sang. Mais quel aurait été le résultat? La ruine et la désolation pour le corps comme pour l’âme. Je me suis donc tenu tranquille, et j’ai laissé la Parole courir le monde elle-même 12Idem.. »GE3 142.3

    Jour après jour, pendant une semaine entière, Luther continua de prêcher devant des foules avides. La Parole de Dieu rompit le maléfice de l’excitation fanatique. La puissance de l’Évangile ramena dans le chemin de la vérité les gens du peuple qui avaient été dévoyés.GE3 142.4

    Luther n’avait aucun désir d’affronter les fanatiques dont la ligne de conduite avait produit tant de maux. Il savait que c’étaient des hommes de jugement hasardeux et de passions indisciplinées, qui, tout en prétendant avoir reçu une illumination spéciale du ciel, ne supporteraient pas la plus petite contradiction, ni même le reproche ou le conseil le plus bienveillant. S’arrogeant à eux-mêmes l’autorité suprême, ils exigeaient que tous reconnaissent leurs prétentions sans discussion. Mais, comme ils exigeaient une entrevue avec lui, il consentit à les rencontrer, et il démasqua leurs prétentions avec tant de succès que ces imposteurs quittèrent immédiatement Wittenberg.GE3 142.5

    Le fanatisme avait été stoppé pour un moment, mais plusieurs années plus tard, il éclata avec encore plus de violence et avec des conséquences encore plus terribles. Luther déclara au sujet des dirigeants de ce mouvement : « Pour eux, les Saintes Écritures n’étaient que lettre morte, et ils se mettaient tous à crier: “L’Esprit! L’Esprit!” Mais il est certain que je ne les suivrai pas là où leur esprit les mène. Que Dieu, dans sa miséricorde, me préserve d’une Église dans laquelle il n’y a que des saints! Je désire demeurer avec les humbles, les faibles, les malades, qui connaissent et ressentent leurs péchés, et qui soupirent et crient continuellement à Dieu du fond de leur cœur pour obtenir sa consolation et son soutien 13Ibid., livre 10, chapitre 10.GE3 143.1

    Thomas Münzer, le plus actif de ces fanatiques, était un homme de grandes capacités, qui, bien dirigées, lui auraient permis de bien faire. Mais il n’avait pas appris les premiers principes de la véritable religion. « Il était obsédé par le désir de réformer le monde et avait oublié, comme c’est le cas de tous les fanatiques, que la réforme doit commencer par soi-même 14Ibid., livre 9, chapitre 8.. » Il avait l’ambition d’obtenir un poste influent et n’était pas disposé à accepter la seconde place, même après Luther. Il déclarait que les réformateurs, en remplaçant l’autorité du pape par celle de l’Écriture, ne faisaient que mettre en place une forme différente de papisme. Lui-même, prétendait-il, avait été divinement mandaté pour apporter la véritable réforme. « Celui qui possède cet esprit, disait Münzer, possède la véritable foi, quand bien même il n’aurait jamais vu les Écritures de sa vie 15Ibid., livre 10, chapitre 10.GE3 143.2

    Ces professeurs fanatiques se laissaient guider par leurs impressions, considérant toute pensée et toute impulsion comme la voix de Dieu, ce qui les poussait dans de graves extrêmes. Certains brûlèrent même leur Bible, en s’exclamant : « La lettre tue, mais l’Esprit fait vivre 162 Corinthiens 3.6.. » L’enseignement de Münzer plaisait à la soif des hommes pour le merveilleux, tout en flattant leur orgueil, en mettant virtuellement les idées et opinions humaines au-dessus de la Parole de Dieu. Des milliers de personnes acceptèrent ses doctrines. Il dénonça bientôt tout ordre dans le culte public, et déclara qu’obéir aux princes, c’était essayer de servir en même temps Dieu et Bélial.GE3 143.3

    L’esprit des gens du peuple, qui avait déjà commencé à rejeter le joug de la papauté, commençait aussi à s’impatienter sous les contraintes de l’autorité civile. Les enseignements révolutionnaires de Münzer, qui prétendait jouir de la sanction divine, les amenèrent à rejeter toute contrainte et à laisser libre cours à leurs préjugés et à leurs passions. Les plus terribles scènes de sédition et de discorde s’ensuivirent, et les champs allemands furent arrosés de sang.GE3 143.4

    L’angoisse que Luther avait, si longtemps auparavant, ressentie dans son âme à Erfurt l’accablait maintenant avec une force redoublée, car il se rendait compte qu’on accusait la Réforme des conséquences de ce fanatisme. Les princes soumis à la papauté déclaraient — et beaucoup étaient prêts à le croire — que cette rébellion était le fruit légitime des doctrines de Luther. Bien que cette accusation ait été sans aucun fondement, elle ne pouvait que causer une profonde détresse au réformateur. Que la cause de la vérité soit ainsi déshonorée en étant mise sur le même pied que le fanatisme le plus vil lui semblait plus qu’il ne pouvait supporter. D’autre part, les dirigeants de cette révolte haïssaient Luther parce que non seulement il s’était opposé à leurs doctrines et avait rejeté leurs prétentions à l’inspiration divine, mais aussi parce qu’il les avait traités de rebelles contre l’autorité civile. En guise de représailles, ils le traitèrent de vil simulateur. Il semblait avoir attiré sur lui-même l’inimitié des princes comme celle des gens du peuple.GE3 143.5

    Les partisans de l’Église de Rome exultèrent, s’attendant à assister au proche effondrement de la Réforme, et ils blâmèrent Luther pour les erreurs que celui-ci s’était efforcé de corriger avec le plus grand zèle. Le parti des fanatiques, en prétendant faussement avoir été traité avec une grande injustice, réussit à gagner la sympathie d’une grande partie de la population. Et, comme c’est souvent le cas de ceux qui choisissent le mauvais côté, ils en vinrent à être considérés comme des martyrs. Ainsi, c’est à ceux qui déployaient toute leur énergie contre la Réforme qu’allèrent la pitié et les louanges, comme si c’étaient eux les victimes de la cruauté et de l’oppression. C’était l’œuvre de Satan, inspirée par le même esprit de rébellion qui s’était manifesté à l’origine dans le ciel.GE3 144.1

    Satan cherche constamment à tromper les hommes et à les amener à appeler le péché justice et la justice péché. Quel succès il a remporté dans cette œuvre! Comme la censure et le blâme sont jetés souvent sur les fidèles serviteurs de Dieu parce qu’ils se dressent sans crainte pour défendre la vérité! On loue et on flatte des hommes qui ne sont rien d’autre que des agents de Satan, et on les considère même comme des martyrs, tandis qu’on laisse seuls, en butte aux soupçons et à la méfiance, ceux qui devraient être respectés et soutenus pour leur fidélité à Dieu.GE3 144.2

    La contrefaçon de la sainteté, ou fausse sanctification, accomplit encore aujourd’hui son œuvre de tromperie. Sous différentes formes, elle manifeste le même esprit qu’à l’époque de Luther, détournant les esprits des Écritures et amenant les hommes à suivre leurs propres sentiments et impressions plutôt que d’obéir à la loi de Dieu. C’est l’un des stratagèmes de Satan qui remporte le plus de succès pour jeter le discrédit sur la pureté et la vérité.GE3 144.3

    C’est sans crainte que Luther prit la défense de l’Évangile contre les attaques qui surgissaient de tous côtés. Dans chaque conflit, la Parole de Dieu se révéla être une arme puissante : armé de cette Parole, il lutta contre l’autorité usurpée du pape et contre la philosophie rationaliste de la scolastique, tout en demeurant ferme comme le roc contre le fanatisme qui cherchait à s’allier à la Réforme.GE3 144.4

    Chacun de ces éléments d’opposition, à sa manière, rejetait les Saintes Écritures et exaltait la sagesse humaine comme source de vérité et de connaissance religieuses. Le rationalisme idolâtre la raison et en fait le critère de la religion. L’Église romaine, revendiquant pour le souverain pontife une inspiration remontant de manière ininterrompue jusqu’aux apôtres, immuable à travers tous les siècles, donne toutes les occasions à toutes sortes de croyances extravagantes et corrompues de se dissimuler sous la sainteté du mandat apostolique. L’inspiration revendiquée par Münzer et ses associés ne provenait pas d’une autre source que des divagations de leur imagination, et son influence contribuait à renverser toute autorité, qu’elle soit humaine ou divine. Le véritable christianisme, lui, reçoit la Parole de Dieu comme le grand trésor de la vérité inspirée et la pierre de touche de toute inspiration.GE3 144.5

    À son retour de la Wartburg, Luther termina sa traduction du Nouveau Testament, et l’Évangile fut donné peu après au peuple allemand dans sa propre langue. Tous ceux qui aimaient la vérité accueillirent cette traduction avec une grande joie, mais les partisans des traditions et des commandements des hommes la rejetèrent avec mépris.GE3 144.6

    Les prêtres furent alarmés à la pensée que les gens du peuple pourraient maintenant discuter avec eux des préceptes de la Parole de Dieu, et que leur propre ignorance serait ainsi révélée au grand jour. Les armes de leurs raisonnements charnels étaient impuissantes contre « l’épée de l’Esprit 17Éphésiens 6.17.». L’Église romaine rassembla toute son autorité pour empêcher la diffusion des Écritures, mais les décrets, les anathèmes et la torture furent vains. Plus elle condamnait et interdisait la Bible, plus vif était le désir des gens du peuple de savoir ce qu’elle enseignait vraiment. Tous ceux qui savaient lire étaient avides d’étudier la Parole de Dieu par eux-mêmes. Ils en transportaient un exemplaire avec eux, le lisaient et le relisaient, et n’étaient satisfaits que lorsqu’ils en avaient appris par cœur de longs passages. Se rendant compte de la faveur avec laquelle avait été accueilli le Nouveau Testament, Luther entreprit immédiatement la traduction de l’Ancien, et en publia des fragments au fur et à mesure qu’il les traduisait.GE3 145.1

    Les écrits de Luther étaient bien accueillis dans les villes comme dans les hameaux. « Ce que Luther et ses amis composaient, d’autres le diffusaient. Des moines, convaincus de l’illégitimité des obligations monastiques, désireux d’échanger une longue vie de paresse pour une vie d’activité, mais trop ignorants pour proclamer eux-mêmes la Parole de Dieu, parcouraient les provinces, visitant les hameaux et les chaumières et y vendant les livres de Luther et de ses amis. L’Allemagne fourmilla bientôt de ces hardis colporteurs 18J. H. Merle d’Aubigné, op. cit., livre 9, chapitre 11.. »GE3 145.2

    Riches et pauvres, savants et ignorants étudiaient ces écrits avec un profond intérêt. Le soir, les instituteurs des écoles de village en faisaient la lecture à haute voix à des petits groupes réunis autour de la cheminée. Chacun de ces efforts convainquait de la vérité quelques âmes, qui, recevant la Parole avec joie, apportaient à leur tour la bonne nouvelle à d’autres.GE3 145.3

    Ces paroles inspirées se trouvèrent confirmées : « La révélation de tes paroles éclaire, elle donne de l’intelligence aux naïfs 19Psaume 119.130..” L’étude des Écritures produisait un changement profond dans l’esprit et le cœur des gens. La domination papale avait placé sur ses sujets un joug de fer qui les maintenait dans l’ignorance et la dégradation. Une observation superstitieuse des formes avait été scrupuleusement maintenue ; mais le cœur et l’intelligence avaient peu de part dans tous ces services religieux. Par contre, la prédication de Luther, présentant les claires vérités de la Parole de Dieu, et cette Parole elle-même, placée entre les mains des hommes, avaient éveillé leurs capacités endormies, non seulement en purifiant et en ennoblissant leur nature spirituelle, mais aussi en communiquant à leur intelligence une force et une vigueur nouvelles.GE3 145.4

    On pouvait voir des personnes de tous rangs, la Bible à la main, prenant la défense des doctrines de la Réforme. Les papistes, qui avaient laissé l’étude des Écritures aux prêtres et aux moines, invitaient maintenant ceux-ci à s’avancer pour réfuter ces nouveaux enseignements. Mais, ne connaissant « ni les Écritures, ni la puissance de Dieu 20Matthieu 22.29. », les prêtres et les moines étaient totalement défaits par ceux qu’ils avaient dénoncés comme des gens sans instruction et des hérétiques.GE3 145.5

    « Malheureusement, disait un écrivain catholique, Luther a persuadé ses disciples de ne mettre leur foi en aucun autre oracle que les Saintes Écritures 21J. H. Merle d’Aubigné, ibid., chapitre 11.. » Des foules s’assemblaient pour entendre la vérité prêchée par des hommes peu instruits, et même discutée par eux avec des théologiens érudits et éloquents. L’ignorance honteuse de ces grands hommes était mise au grand jour lorsque les simples enseignements de la Parole de Dieu réfutaient leurs arguments. Travailleurs, soldats, femmes et même enfants connaissaient mieux les enseignements de la Bible que les prêtres et les savants docteurs.GE3 146.1

    Le contraste entre les disciples de l’Évangile et les partisans des superstitions papales n’était pas moins manifeste dans les rangs des érudits que parmi les gens du peuple. « Face aux anciens champions de la hiérarchie, qui avaient négligé l’étude des langues et la culture des lettres, [...] on voyait des jeunes gens à l’esprit généreux, adonnés à l’étude, sondant l’Écriture et se familiarisant avec les chefs-d’œuvre de l’Antiquité. Possédant un esprit actif, une âme élevée et un cœur intrépide, ces jeunes gens acquirent bientôt une telle connaissance que, pendant longtemps, personne ne pouvait rivaliser avec eux. [...] En conséquence, lorsque ces jeunes défenseurs de la Réforme rencontraient les docteurs de l’Église romaine dans n’importe quelle assemblée, ils les attaquaient avec une aisance et une assurance telles que ces hommes ignorants hésitaient, restaient embarrassés et devaient essuyer le mépris de tous, qu’ils avaient bien mérité 22Idem. »GE3 146.2

    En voyant diminuer le nombre de leurs fidèles, les membres du clergé romain réclamèrent l’intervention des magistrats, et, par tous les moyens en leur pouvoir, s’efforcèrent de récupérer leurs auditeurs. Mais les gens du peuple avaient trouvé dans les nouveaux enseignements ce qui répondait aux besoins de leur âme, et ils se détournèrent de ceux qui les avaient si longtemps nourris des coques indigestes des rites et des traditions humaines.GE3 146.3

    Lorsque la persécution s’allumait contre les professeurs de vérité, ils obéissaient aux paroles du Christ : « Quand on vous persécutera dans cette ville-ci, fuyez dans une autre 23Matthieu 10.23..” La lumière pénétrait partout. Les fugitifs trouvaient toujours une porte hospitalière qui s’ouvrait devant eux, et, y faisant leur demeure, ils prêchaient le Christ, parfois dans l’église, ou, si on leur refusait ce privilège, dans des maisons privées ou en plein air. Partout où ils pouvaient se faire entendre, ce lieu devenait un temple consacré. La vérité, proclamée avec une telle énergie et une telle assurance, se répandait avec une puissance irrésistible.GE3 146.4

    C’est en vain qu’on réclamait aux autorités religieuses et civiles d’écraser cette hérésie. C’est en vain qu’on avait recours à l’emprisonnement, à la torture, au feu et à l’épée. Des milliers de croyants scellaient leur foi de leur sang, et cependant, l’œuvre se poursuivait. La persécution ne servit qu’à faire progresser la vérité, et le fanatisme que Satan s’efforça de lui associer n’eut d’autre résultat que de rendre encore plus manifeste le contraste entre l’œuvre de Satan et l’œuvre de Dieu.GE3 146.5

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