«Le témoignage de Jésus»>
Les expressions «le témoignage de Jésus» et «l’esprit de la prophétie» étant considérées comme équivalentes dans le livre de l’Apocalypse, il semble que la première expression permette de comprendre le sens de la deuxième. La difficulté concernant l’expression «le témoignage de Jésus» réside dans le fait qu’elle peut être interprétée comme un génitif subjectif ou objectif. Dans le premier cas, le témoignage serait porté par Jésus (ce serait son témoignage) durant sa vie sur la terre et plus tard par les prophètes chrétiens, alors que dans le deuxième cas, cela serait une référence aux croyants portant témoignage au sujet de Jésus ou concernant Jésus . D’ailleurs, les traducteurs sont partagés concernant cette expression. En anglais, la New International Version la traduit ainsi, considérant qu’il s’agit d’un génitif subjectif : «as [they] hold firmly to what Jesus has said [ce que Jésus a dit]». En revanche, le sens est différent dans la version Today’s New International Version qui considère qu’il s’agit d’un génitif objectif : «[those who] hold fast their testimony about Jesus [leur témoignage au sujet de Jésus]». Les traducteurs de la version Revised Standard Version vont dans ce sens : «[who] bear witness about Jesus». Cette deuxième interprétation est partagée par de nombreux commentateurs du livre de l’Apocalypse .Cela ferait de tous les croyants de l’Église des prophètes qui, inspirés par l’Esprit, portent un témoignage concernant Jésus.DDP 225.3
L’expression «le témoignage de Jésus» (hē marturia Iēsou) se trouve six fois dans le livre de l’Apocalypse (1.2,9 ; 12.17 ; 19.10 ; 20.4) . Dans Apocalypse 1.9 et 20.4, cette expression peut être comprise comme étant un génitif objectif - le témoignage que Jean et les chrétiens fidèles portaient au sujet de Jésus - alors que le contexte semble indiquer que, dans Apocalypse 1.2 ; 12.7 et 19.10, il s’agit d’un génitif subjectif. C’est la conclusion de nombreux théologiens . Cette affirmation est soutenue par plusieurs arguments :DDP 226.1
1. Dans les écrits johanniques, l’objet du témoignage est souvent évoqué grâce à la préposition peri (» au sujet de », «faisant référence à», «de») comme on le constate dans le texte suivant : dioti ou paradexontai sou marturian peri emou (» parce qu’ils ne veulent pas accepter votre témoignage à mon sujet ») . D’un autre côté, la notion de subjectivité est régulièrement exprimée par la combinaison syntaxique du nom «témoignage» (marturia) et d’un nom ou d’un pronom au génitif («témoignage/témoin de. »). Le texte de 1 Jean 5.9 peut être pris en exemple : Si nous recevons le témoignage des humains \tën marturian ton anthropon], le témoignage de Dieu \hē marturia tou theou] est plus grand; car le témoignage de Dieu \hē marturia tou theou], c’est qu’il rend témoignage à son Fils \hoti memarturēken peri tou huiou autou], C’est aussi le cas dans tous les autres textes des écrits johanniques où l’on trouve l’expression «le témoignage de Jésus ». Cela nous amène à la conclusion que l’expression «le témoignage de Jésus» dans Apocalypse 12.17 et 19.10 doit être comprise dans le sens subjectif (» le témoignage porté par Jésus ») ; le sens objectif serait exprimé par hē marturia peri Iēsou (» le témoignage concernant Jésus»).DDP 227.1
2. Dans Apocalypse 12.17 et Apocalypse 19.10, les saints de la fin des temps sont ceux «qui ont [echontōn] le témoignage de Jésus» - et non ceux «qui portent le témoignage de Jésus», comme beaucoup de traducteurs l’indiquent à tort. L’emploi du verbe «avoir» [echo] associé à l’expression «le témoignage de Jésus» (tēn marturian Iēsou) fait référence au sens subjectif du nom au génitif : les saints de la fin des temps sont en possession du «témoignage de Jésus». La force de ce verbe combiné au «témoignage de Jésus» est généralement oubliée par les théologiens qui choisissent le génitif objectif. C’est la raison pour laquelle l’expression est : «portent le témoignage ».DDP 227.2
En grec, le verbe echo a plusieurs nuances, mais son sens principal est : «possession ». C’est la signification principale de ce mot dans le Nouveau Testament . Cela est notamment vrai quand l’objet d’ echō est marturia. «Avoir un témoignage» fait référence au témoignage de quelqu’un d’autre plutôt qu’au sien, comme dans la déclaration de Jésus : Moi, j’ai un témoignage plus grand que celui de Jean ; en effet, les œuvres que le Père m’a données à accomplir, ces œuvres mêmes, que je fais, me rendent témoignage, attestant que le Père m’a envoyé. [egō de echō tēn marturian... ta erga ha poiō marturei peri emou] (Jean 5.36.). De plus, comme le dit Paul, un ancien d’Église doit avoir un bon témoignage de la part de ceux du dehors [traduction personnelle] [dei de kai marturian kalēn echein apo tōn exōthen] (1 Timothée 3.7). Dans ces deux cas, l’expression «avoir le témoignage de...» est suivie du génitif subjectif. L’idée objective des croyants rendant témoignage concernant Jésus serait exprimée grâce au verbe martureō (» témoigner ») et à la préposition peri (» au sujet de, concernant ») plutôt qu’avec le verbe echō (» avoir »).DDP 227.3
Ces deux exemples suggèrent que l’expression «avoir le témoignage de Jésus» (echontōn ten marturian Iēsou) d’Apocalypse 12.17 et 19.10 ne fait pas référence au témoignage que les croyants de la fin des temps portent concernant Jésus. Elle indique plutôt que les croyants de la fin des temps sont en possession d’un témoignage que Jésus lui-même porta au cours de sa vie et de son ministère sur la terre, et qui fut prêché par les prophètes après son ascension.DDP 228.1