L’attachement d’Ellen White au principe Sola Scriptura
Au cours du 19 ème siècle, de nombreux acteurs du restaurationnisme et des mouvements de réveil insistèrent sur la nécessité de redécouvrir les enseignements de l’Église apostolique. Mais aucun mouvement religieux de l’époque ne mit en application le principe Sola Scriptura de façon aussi cohérente que les adventistes sabbatistes (les fondateurs de l’Église adventiste du septième jour) qui voulaient retrouver le sens des vérités bibliques. Le ministère exercé par Ellen White joua un rôle majeur dans ce domaine, car celle-ci désirait encourager les gens à comprendre que la Bible s’interprète par elle-même et non remplacer la Bible ou modifier ses enseignements comme certains de ses détracteurs l’affirmaient. Ceci apparaît clairement dans les conseils qu’elle donne sur la façon d’interpréter la Bible et dans la manière dont elle-même l’interprétait.DDP 350.2
Ellen White considérait que la question de l’interprétation de la Bible était cruciale dans le cadre du grand conflit entre le bien et le mal. Elle expliquait que Satan n’aspirait qu’à «détruire la confiance placée en Dieu et sa Parole». Au Moyen-Âge, par exemple, il était «interdit de faire circuler des Bibles», et «des prêtres et des prélats sans principe interprétaient les enseignements bibliques de façon à justifier leurs affirmations». Sans évoquer les méthodes d’interprétation futuristes et prétéristes, Ellen White adhérait à l’interprétation protestante historiciste identifiant la «petite corne» de Daniel 7.8,11,21,22,24-26 ; 8.9-14, ainsi que l’antichrist de 2 Thessaloniciens 2.1-12 et la bête montant de la mer d’Apocalypse 13.1-9 à la papauté1070. Elle considérait aussi que les jours symboliques d’Apocalypse 11.3 et 12.6 (voir Daniel 7.25; Apocalypse 11.2; 12.14 et 13.5) représentaient la période de la suprématie papale allant de 538 av. J.-C. à 1798.DDP 351.1
D’un autre côté, Ellen White expliquait aussi ceci : «La Bible est battue en brèche par la ‘haute critique’ [la méthode historico-critique] et les hypothèses scientifiques, autant qu’elle l’était au temps du Christ par la tradition et le rabbinisme.» Elle déclara : «L’œuvre de la haute critique, en disséquant, en conjecturant, en reconstruisant, détruit la foi dans l’inspiration de la Bible. C’est priver la Parole de Dieu de son pouvoir de diriger, d’élever, d’inspirer les vies humaines que de professer de telles théories.»DDP 351.2
S’opposant à la théorie du dispensationalisme consistant à distinguer plusieurs dispensations (généralement sept) dans l’histoire biblique, Ellen White parlait de deux dispensations (l’Ancien Testament et le Nouveau Testament) associées l’une à l’autre par un lien typologique. Elle déclara :DDP 351.3
«Il n’y a pas, comme on l’entend si souvent, une opposition entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament, entre la loi de Dieu et l’Évangile du Christ, entre les critères de la dispensation juive et ceux de la dispensation chrétienne. Toutes les âmes sauvées dans la première dispensation furent sauvées par le Christ de la même façon que nous sommes sauvés aujourd’hui. Les patriarches et les prophètes étaient chrétiens. La promesse de l’Évangile fut faite à Adam et Ève dans le jardin d’Éden, quand ils ont été séparés de Dieu du fait de leur transgression. L’Évangile fut prêché à Abraham. Les Hébreux burent tous l’eau du Rocher spirituel, qui était le Christ.»DDP 352.1
Reconnaissant l’existence de «différents niveaux de développement» dans la révélation de Dieu afin de répondre aux besoins des êtres humains à différentes époques, Ellen White affirmait que dans les deux dispensations «les demandes de Dieu étaient identiques» et que «les principes relatifs à sa façon de gouverner étaient similaires». «L’Ancien Testament est l’Évangile expliqué à l’aide de chiffres et de symboles. Le Nouveau Testament est la substance. Le premier est aussi important que le deuxième.» Ellen White expliquait que le quatrième commandement au sujet du sabbat (Exode 20.8-11 ; voir 31.12-18 ; Deutéronome 5.12-15 ; Luc 23.54-56 ; Hébreux 4.4,9-11 ; Apocalypse 14.7,12) était «la grande vérité unissant les deux dispensations, la dispensation mosaïque et la dispensation chrétienne, la lumière du sanctuaire faisant le lien entre les deux».DDP 352.2
Non seulement Ellen White exprima son désaccord concernant les principes herméneutiques présentés ci-dessus, mais elle ne cessa d’indiquer qu’elle souscrivait au principe Sola Scriptura. En disant que la Bible s’interprétait par elle-même, elle précisa quelques concepts. Le premier est que la Bible doit être étudiée dans le cadre du grand conflit cosmique et historique entre Dieu et Satan. Elle déclara :DDP 352.3
«La Bible est son propre interprète. Ce n’est qu’à l’Écriture que l’on peut comparer l’Écriture. Celui qui l’étudie doit apprendre à considérer la Parole de Dieu comme un tout, et à voir les relations qui existent entre ses différentes parties. Il doit apprendre à connaître le thème central du saint Livre : le plan originel de Dieu pour le monde, la montée du grand conflit, l’œuvre de la rédemption. Il doit comprendre la nature des deux forces qui se combattent, apprendre à en relever l’empreinte dans les récits de l’histoire et de la prophétie, jusqu’à l’accomplissement de toutes choses. Il doit voir que cette lutte se poursuit à tous les instants de l’expérience humaine, que dans chacun de ses actes il agit lui-même selon l’une ou l’autre de ces forces antagonistes et qu’à chaque instant il choisit son camp, qu’il le veuille ou non.»DDP 353.1
L’équilibre entre l’étude exégétique d’un passage donné et son interprétation à la lumière de l’analogie de l’Écriture est un autre concept important. Elle écrivit :DDP 353.2
«On ne tire que peu de bien d’une lecture hâtive. On peut lire la Bible tout entière sans en apercevoir les beautés et sans en comprendre la signification profonde, qui reste cachée au lecteur superficiel. Un passage étudié et médité jusqu’à ce qu’on en ait bien saisi la signification et les rapports avec le plan du salut vaut mieux que la lecture de plusieurs chapitres, faite sans but arrêté et sans qu’on en ait tiré aucun enseignement positif. »DDP 353.3
Elle mit l’accent sur l’analogie de l’Écriture en déclarant :DDP 353.4
«La Bible est son propre interprète. Un passage des Écritures servira de clé d’accès à d’autres passages, faisant apparaître le sens caché d’un mot. En comparant différents textes traitant du même sujet, en étudiant leur portée sous tous les angles, on mettra en évidence la véritable signification des Écritures.DDP 353.5
De nombreuses personnes pensent devoir consulter des commentaires des Écritures afin de comprendre la Parole de Dieu, et je ne veux pas dire qu’il ne faut pas agir ainsi. Mais il faut faire preuve d’un grand discernement pour découvrir les vérités divines dans les écrits des hommes. [...] Les joyaux de la vérité sont disséminés dans l’ensemble de la révélation. Mais ils ont été enfouis sous les traditions, les déclarations et les préceptes humains. La sagesse du ciel est pratiquement ignorée. Satan a réussi à faire croire que les paroles et performances des hommes sont d’une grande valeur. »DDP 353.6
Ellen White déclara à plusieurs reprises que l’analogie était une bonne méthode : «La Bible est son propre interprète, un passage en explique un autre. En comparant les Écritures qui traitent d’un même sujet, vous découvrirez une beauté et une harmonie auxquelles vous n’aviez jamais songé.» En gardant ces concepts à l’esprit, nous allons désormais voir de quelle façon elle utilisait le principe Sola Scriptura pour interpréter la Bible.DDP 354.1