Sept faits majeurs sur la façon dont Ellen White utilisait des sources extérieures
Les sept faits suivants font consensus parmi les théologiens adventistes après des années de recherches, et concernent l’emploi des sources par Ellen White.DDP 382.2
1. Ellen White lisait de nombreux ouvrages protestants publiés à son époque et, de façon légitime, elle emprunta certaines idées à ces sources non-inspirées.DDP 382.3
Le fait qu’elle lisait beaucoup est établi depuis longtemps; pourtant, de nombreux adventistes continuent à croire qu’elle n’était inspirée que par ses visions. Après tout, elle n’avait reçu qu’une formation limitée, elle mentionnait rarement ses lectures et elle disait que Dieu était à l’origine de ses messages. De plus, nous disposons d’une photo d’elle bien connue sur laquelle elle regarde au loin, un stylo dans la main, comme si elle écrivait ce que Dieu lui dictait. Cette photo donne le sentiment qu’elle écrivait des livres plus qu’elle n’en lisait, et certains adventistes en ont déduit qu’elle lisait très peu.DDP 382.4
Pourtant, quand Ellen White mourut, sa bibliothèque personnelle contenait environ 1 300 ouvrages dont beaucoup n’étaient pas écrits par des auteurs adventistes, une bibliothèque dont le contenu «étonnerait plus d’un théologien, encore aujourd’hui». Le fait qu’elle lisait beaucoup et s’inspirait de certains ouvrages est évident dans la mesure où elle utilisa au moins cinquante sources différentes dans la rédaction de son livre The Desire of Ages [Jésus- Christ].DDP 382.5
W. C. White explique que sa mère lisait vite, et «admirait la façon dont d’autres auteurs relataient les scènes que Dieu lui avait présentées en vision. Elle trouvait que c’était à la fois un plaisir, une commodité et un gain de temps d’utiliser totalement ou partiellement le langage qu’ils employaient pour décrire les choses qu’elle avait découvertes grâce au processus de révélation et qu’elle souhaitait transmettre à ses lecteurs».DDP 383.1
D’après l’étude de Ramik mentionnée précédemment, la façon dont Ellen White utilisait le langage «d’autres auteurs» est considérée comme «acceptable» et correspond à la définition légale de l’emprunt littéraire légitime consistant à adapter ou à améliorer des ressources dans un but nouveau. La notion de plagiat consistant à «copier ou reproduire le langage, les idées et les pensées d’un autre auteur tout en les faisant passer pour un travail original» ne s’applique pas à la façon dont Ellen White utilisait ses sources. En fait, elle empruntait certains passages dans les ouvrages qu’elle lisait et elle les adaptait d’une façon telle que le produit fini était unique et original.DDP 383.2
À en juger par les critères du 19 ème siècle, la façon dont Ellen White utilisait ses sources était conforme à l’éthique de l’époque en matière d’emprunt littéraire. Raymond F. Cottrel, un théologien adventiste du 20 ème siècle, étudia trente commentaires du 19 ème siècle de la première épître aux Corinthiens alors qu’il travaillait sur la série The Seventh-day Adventist Bible Commentary, et il souligna le fait que «ces auteurs du 19 ème siècle, souvent connus et respectés, copiaient fréquemment ce que d’autres auteurs écrivaient sans mentionner une seule fois leurs sources». Il en conclut que «selon l’éthique littéraire de l’époque, les emprunts littéraires conséquents et sans citation des sources étaient acceptés ou d u moins jamais remis en question, même parmi les auteurs les plus compétents». Ainsi, concernant Ellen White, «il n’est pas juste de juger un auteur du 19 ème siècle en fonction des critères que nous utilisons aujourd’hui. Nous devons le juger en fonction des critères et des pratiques de son temps».DDP 383.3
Roger Coon pensait qu’Ellen White avait une certaine «philosophie de la composition sainte», à savoir que rien dans ce monde n’était original et que le Christ était l’auteur et le propriétaire de toutes les idées pertinentes. Elle se considérait donc comme une personne spéciale, choisie par Dieu pour exprimer des vérités anciennes dans un langage moderne. W. C. White et Dores E. Robinson expliquèrent cette position dans un document intitulé Brief Statements publié en 1933 :DDP 383.4
«Au début de son expérience, quand Ellen White était désemparée en raison de sa difficulté à exprimer en langage humain les vérités divines qui lui étaient révélées, il lui revenait en mémoire que toute sagesse et toute connaissance viennent de Dieu, et elle avait l’assurance que Dieu lui accorderait son soutien et sa grâce. Il lui était révélé qu’en lisant des publications et des ouvrages religieux, elle trouverait de précieuses vérités exprimées dans un langage acceptable et qu’elle recevrait l’aide du ciel qui lui permettrait de les discerner et de les distinguer des déclarations erronées auxquelles elles étaient parfois associées. »DDP 384.1
Coon expliqua également quelles étaient les raisons pratiques pour lesquelles Ellen White s’inspirait d’ouvrages rédigés par d’autres auteurs: (1) «Pour l’aider à exprimer au mieux les idées et les vérités qui lui étaient révélées en vision ; (2) «pour donner des détails qui n’étaient pas dans les visions ; (3) «pour enrichir sa production littéraire avec de belles expressions décrivant la vérité ; (4) «pour expliquer de façon appropriée et riche de sens les positions doctrinales adventistes aux membres d’Église» ; et (5) «les emprunts littéraires d’Ellen White étaient peut-être une activité relative à son subconscient et due à une possible mémoire photographique».DDP 384.2
2. Ellen White utilisa des sources non-inspirées de façon intentionnelle.DDP 384.3
Comme nous l’avons souligné ci-dessus dans la déclaration de W. C. White, Ellen White lisait des ouvrages d’autres auteurs et considérait que c’était «un plaisir, une commodité et un gain de temps» d’utiliser leur langage afin de décrire au mieux ce qui lui était révélé en vision. Elle était donc consciente d’avoir cette habitude consistant à «utiliser certaines parties de phrases trouvées dans les écrits d’autres auteurs et à les intégrer dans ses propres écrits », comme le déclara son fils. Dans ses manuscrits originaux, par exemple, «des guillemets sont parfois utilisés» et «parfois il n’y en a pas». Comme le souligne Fred Veltman dans son étude sur The Desire of Ages, Ellen White utilisait des sources extérieures «consciemment et intentionnellement», et «les parallèles littéraires n’étaient pas accidentels et n’étaient pas non plus la conséquence de sa «mémoire photographique». Le fait qu’elle ne mentionnait pas les auteurs qu’elle citait est lié à la dimension légale citée ci-dessus et aux questions éthiques que nous aborderons ci-dessous.DDP 384.4
La façon dont Ellen White utilisait ses sources était astucieuse sur le plan théologique. On peut citer en exemple la façon dont elle s’appuya sur les écrits de Calvin Stowe pour évoquer sa position sur l’inspiration. Ellen White cita des mots et des expressions de l’ouvrage de Stowe intitulé Origin and History of the Books of the Bible mais elle ne reprit pas certaines expressions qui auraient trahi sa compréhension du processus d’inspiration. Par exemple, il avait écrit : «Ce ne sont pas les mots de la Bible qui furent inspirés, ce ne sont pas les pensées de la Bible qui furent inspirées ; ce sont les hommes qui écrivirent la Bible qui furent inspirés.» Ellen White écrivit : «Ce ne sont pas les mots qui furent inspirés, mais les hommes qui furent inspirés.» Elle ne reprit donc pas les mots : «Ce ne sont pas les pensées de la Bible qui furent inspirées.» Contrairement à Stowe, elle croyait que les pensées des auteurs bibliques étaient aussi inspirées. Après avoir soigneusement analysé la façon dont Ellen White cite Stowe, Denis Fortin conclut : «D’après cet exemple, il semble évident que le texte de Stowe n’était pas loin d’elle quand elle écrivit le sien. Pourtant, elle ne le copia pas de façon automatique, mais elle réfléchit à ces deux idées, comprit la différence et mit l’accent sur sa propre compréhension du processus de l’inspiration. »DDP 385.1
On peut expliquer la façon dont Ellen White utilisait ses sources en faisant la différence entre deux concepts distincts, à savoir la pensée inspirée par la lecture, et la lecture inspirée par la pensée. Dans le processus de pensée inspirée par la lecture, c’est le fait de lire qui dirige la pensée, comme lorsqu’un étudiant révise pour un examen. Les informations, les idées et les données contenues dans le manuel qu’il utilise contrôlent sa pensée. Il doit connaître le contenu du livre et l’expliquer de façon appropriée le jour de l’examen. Il en est de même quand une personne lit un ouvrage pour y trouver des informations ; le texte de cet ouvrage gouverne sa pensée. La plupart des chrétiens lisent la Bible ainsi, puisque c’est la Parole de Dieu. Ils veulent que l’Écriture contrôle et dirige leurs pensées. En revanche, dans le processus de lecture dirigée par la pensée, les pensées et les positions du lecteur contrôlent et dirigent la façon dont il lit. Souvent, il note ses pensées dans la marge au lieu de se contenter de souligner les phrases importantes. Finalement, les positions préalables du lecteur et le contenu du livre forment une synthèse. Mais dans ce processus, le lecteur aborde le texte avec des concepts bien précis à l’esprit, et le texte sert de catalyseur à ses idées créatives. Par conséquent, ses idées transcendent le texte.DDP 385.2
Quand Ellen White lisait ses sources, elle n’en dépendait pas pour obtenir des informations et des idées, comme c’est le cas dans le processus de pensée inspirée par la lecture. Au contraire, elle abordait les ouvrages qu’elle lisait avec des idées bien établies, comme dans le processus de lecture inspirée par la pensée. Comme l’expliquèrent W. C. White et D. E. Robinson, quand elle lisait un livre elle n’était pas «à court de pensées à exprimer, et elle ne le consultait pas pour trouver des thèmes au sujet desquels elle pourrait écrire. Au contraire, une grande lumière lui avait été donnée et elle désirait trouver des formes d’expression utiles et concises». Ainsi, son esprit était conscient et alerte, et elle contrôlait ce qu’elle lisait. Elle avait des concepts et des images en tête et elle lisait de façon intentionnelle, dans le but d’y trouver des expressions qui pourraient lui être utiles. Parfois, ses lectures la faisaient réfléchir et lui permettaient de décrire au mieux ce qui lui avait été révélé en vision. De cette façon, le processus d’inspiration dirigeait sa façon d’aborder les ouvrages qu’elle lisait et d’utiliser ses sources, aboutissant à quelque chose d’unique et d’original.DDP 386.1
Voici ce que déclara W. C. White :DDP 386.2
«Il est remarquable que dans sa façon de lire ou de parcourir des ouvrages, son esprit soit toujours orienté vers les livres les plus utiles et les passages les plus utiles de ces livres. Parfois, elle racontait à mon père, et en ma présence, l’expérience qu’elle vivait et la façon dont elle se sentait poussée à lire un livre auquel elle ne s’était jamais intéressée auparavant et à se concentrer sur certains passages qui l’aidaient à décrire ce qu’elle avait vu et qu’elle désirait présenter. »DDP 386.3
La façon de lire d’Ellen White était donc dirigée par sa pensée.DDP 386.4
3. Les connaissances courantes qu’Ellen White acquéraient en lisant des ouvrages d’auteurs protestants étaient toujours subordonnées à son inspiration.DDP 386.5
Les connaissances courantes sont les connaissances accessibles à tous grâce aux expériences de la vie, à la lecture et aux recherches que l’on peut faire. Comme leurs semblables, les prophètes bibliques possédaient des connaissances courantes et ils les utilisaient pour communiquer ce que Dieu leur avait révélé. On constate par exemple, que les auteurs bibliques avaient des connaissances courantes grâce au fait qu’ils utilisaient de nombreuses sources non-bibliques dont on trouve des fragments dans l’Écriture. Manifestement, les prophètes connaissaient les écrits de leur temps grâce à leurs lectures et ils les utilisaient pour communiquer leurs messages inspirés.DDP 386.6
Par exemple, Moïse utilisa les lois du Proche-Orient ancien pour former le cadre lui permettant de communiquer les lois de Dieu de telle façon que le peuple puisse les comprendre. Les auteurs de certains psaumes, de certains proverbes et de certains passages du Cantique des cantiques eurent recours à la littérature égyptienne pour transmettre leur message de façon poétique. Luc utilisa des récits historiques pour rédiger son évangile. Et Paul cita la littérature païenne pour transmettre son message inspiré à ses lecteurs. Dans l’Apocalypse, Jean employa un langage emprunté à la description de la déesse Hécate pour décrire le Christ glorifié, mais il fit des modifications de façon à montrer que le Christ surpassait cette déesse et toute autre autorité naturelle ou surnaturelle. Dans tous ces exemples, la pensée de l’auteur inspiré transcenda celle de sa source.DDP 387.1
Les références bibliques aux connaissances générales étaient donc toujours subordonnées à la vérité révélée par Dieu aux prophètes. Leur approche inspirée prédominait toujours sur la façon dont ils utilisaient leurs connaissances. «Les connaissances révélées par Dieu ont une plus grande autorité que les connaissances générales mais ne les remplacent pas ; elles sont complémentaires. Habituellement, Dieu ne révèle pas de façon surnaturelle ce qu’il leur a permis de découvrir par eux-mêmes.» Ainsi, dans le processus d’inspiration, le Saint-Esprit laissait les prophètes communiquer le message inspiré grâce à leurs connaissances générales et dans un langage humain, sans que cela ne fasse obstacle à la vérité révélée.DDP 387.2
Voici quelques remarques utiles tirées de l’ouvrage The Ellen G. White Encyclopedia :DDP 387.3
«Ellen White n’affirmait pas avoir l’autorité d’un prophète canonique, mais elle disait être inspirée par le même Esprit et de la même façon que les prophètes canoniques (voir The Great Controversy, p. viii, x-xii). Pourtant, pour décrire ce qu’elle avait vu en vision, elle n’hésitait pas à utiliser des sources humaines afin de donner des détails et des illustrations complémentaires DDP 387.4
(voir Selected Messages, vol. 3, p. 445-465). Dans ses lettres personnelles, elle enrichissait les conseils inspirés qu’elle donnait en faisant référence à des sources ordinaires (voir Selected Messages, vol. 1, p. 38, 39). Pour commenter l’Écriture, elle utilisait des dictionnaires et des chronologies bibliques et d’autres ressources de façon à développer ses connaissances. Pour présenter les principes de santé, elle se référait aux écrits d’autres réformateurs et médecins de son temps (voir par exemple Health Reformer avril 1871, mai 1871, octobre 1871). Pour ses écrits historiques, elle consultait les livres d’histoire, les chronologies et les livres de géographie auxquels elle avait accès de son temps, demandant même parfois à ses assistants de se rendre dans des bibliothèques universitaires pour trouver les informations qui lui manquaient (voir Biography of E. G. White, vol. 6, p. 308, 318, 319 ; Selected Messages, vol. 3, p. 439, 440). De plus, dans les rééditions de ses ouvrages elle s’efforçait de revoir des détails historiques quand elle découvrait des sources plus fiables que celles qu’elle avait utilisées précédemment (voir Selected Messages, vol. 3, p. 445-465). Elle refusa de reconnaître certaines soi-disant erreurs, mais elle en reconnut d’autres et les corrigea (voir Biography of E. G. White, vol. 6, p. 303-306). Voici de quelle façon elle utilisait ses connaissances générales dans ses écrits.»DDP 388.1
Mais comme pour les auteurs bibliques, les informations qu’Ellen White obtenait grâce à des sources non inspirées - par ses lectures, ses voyages, les expériences de la vie, ses fréquentations et ses recherches - étaient toujours subordonnées aux informations qu’elle recevait grâce à des révélations directes. Quand elle se basait sur des sources secondaires pour préparer ses écrits, le processus d’inspiration était à l’œuvre. Elle prenait du recul avec ces ressources et les modifiait de façon conforme à son approche inspirée qui était souvent bien différente de celle de l’auteur auquel elle faisait référence. D’après W. C. White, parfois elle ajoutait certaines choses aux ressources qu’elle lisait: «Bien souvent, en lisant Hanna, Farrar ou Fleetwood, elle découvrait la description d’une scène qui lui avait été révélée de façon très claire mais qu’elle avait oubliée, et elle pouvait ensuite la décrire de façon plus détaillée que celle qu’elle avait lue.» Voici de quelle façon une personne inspirée utilisait ses connaissances générales.DDP 388.2
4. La façon dont Ellen White citait les auteurs non inspirés pour exprimer ses pensées inspirées était conforme avec son approche du processus d’inspiration.DDP 388.3
La position d’Ellen White concernant le processus d’inspiration était plus holistique que verbale. Elle écrivit que «les écrivains de la Bible furent des hommes de plume et non la plume même de Dieu». En fait, elle emprunta à Calvin Stowe cette déclaration - qui est certainement la plus forte sur le sujet de l’inspiration - et elle la modifia, mettant l’accent sur la personne (» hommes de plume ») plus que sur les mots (» plume »). Ainsi, «ce ne sont pas les mots de la Bible qui furent inspirés, mais les hommes qui furent inspirés». L’accent est mis sur la personne : «L’inspiration agit non pas sur les mots ou les expressions, mais sur l’auteur lui-même, à qui le Saint-Esprit communique des pensées.» Mais elle ajouta : «Quant aux mots, ils portent l’empreinte de l’individualité.» Cela signifie que les mots d’une personne inspirée reflètent sa personnalité, son éducation et son expérience de vie. Dans ce contexte, «l’Esprit divin se répand».DDP 388.4
Le terme «se répandre» signifie que le Saint-Esprit se déverse sur l’esprit humain. Mais cela ne se fait pas d’une façon contraire à la personnalité humaine. Au contraire, «il s’unit à l’esprit de l’homme, si bien que les déclarations de l’homme sont la Parole de Dieu.» Cette approche de l’inspiration met l’accent sur la personnalité des prophètes, et pas uniquement sur leurs paroles ou leurs pensées. L’inspiration concernait aussi les mots des auteurs bibliques, sans pour autant que ces mots leur soient dictés. Dieu allait à la rencontre des auteurs bibliques là où ils en étaient dans leur expérience de vie, et leur personne toute entière était touchée. Ainsi, exception faite des occasions où Dieu parlait de façon directe, cela excluait de fait tout contrôle du Saint-Esprit sur leurs paroles. Cette association unique de l’humain et du divin permit d’aboutir à la «Parole de Dieu».DDP 389.1
Ce processus d’inspiration dont on dit parfois qu’il est «symphonique» et qu’il touche «la personne entière» concerne la nature très diverse des écrits inspirés de la Bible. En effet, Dieu révéla ses vérités de plusieurs façons différentes. On peut évoquer le mode théophanique (Exode 3.1-5), le mode prophétique (Apocalypse 1.1-3), le mode verbal (Exode 31.18), le mode historique ou mode de recherche (Luc 1.1-3), les paroles de sagesse (Ecclésiaste 1.1,12-14; 12.9-11), les paroles poétiques (Psaumes) et le mode épistolaire (les épîtres du Nouveau Testament) . Certains de ces différents modes d’inspiration se retrouvent dans les écrits d’Ellen White. Par exemple, le mode théophanique était à l’œuvre dans sa description des scènes célestes qu’elle avait vues en vision. Dans quelques rares cas, elle utilisa le mode verbal pour citer un ange ou un messager du ciel.DDP 390.1
Quand Ellen White utilisait des informations utiles qu’elle trouvait dans un ouvrage et les adaptait pour les rendre conformes à son approche de l’inspiration, elle agissait suivant le mode historique ou mode de recherche de l’inspiration. Comme nous l’avons souligné précédemment, Ellen White lisait beaucoup et elle «admirait le langage grâce auquel d’autres auteurs présentaient à leurs lecteurs les scènes que Dieu lui présentait en vision». Elle considérait que c’était «un gain de temps de reprendre totalement ou partiellement les mots qu’ils avaient employés pour présenter les choses qui lui étaient révélées et qu’elle souhaitait transmettre à ses lecteurs». Ellen White était consciente de ses limites en tant qu’écrivain et de l’importance des messages qu’elle devait communiquer ; ainsi, elle lisait beaucoup afin de mieux exprimer les concepts divins qu’elle avait à l’esprit. Pour elle, ce n’était pas un obstacle au processus d’inspiration. Ce processus concernant la personne toute entière, les prophètes pouvaient «utiliser les expressions, les figures littéraires et les illustrations qu’ils avaient apprises ou découvertes dans leurs lectures, afin de communiquer le message divin qu’ils avaient reçu».DDP 390.2
5. Ellen White faisait preuve d’honnêteté en communiquant ses sources à ses lecteurs.DDP 390.3
Une autre question éthique se pose à ce sujet : Ellen White essayait-elle de cacher ou de nier ses emprunts littéraires ? Robert W. Olson, l’ancien directeur du White Estate, publia un article dans Ministry en février 1991, étudiant «tous les cas où Ellen White ne déclara pas avoir eu recours à des sources extérieures». Il montra que, dans leur contexte, la plupart de ces cas ne posaient pas de problème. Warren H. Johns aborda aussi cette question dans la revue Ministry, en juin 1982, en présentant cinq points montrant qu’il n’y avait «pas de tentative de la part d’Ellen White de tromper [ses lecteurs] ou de dissimuler» le fait qu’elle utilisait des sources extérieures. Il peut être utile de revoir ces faits.DDP 390.4
Premièrement, W. C. White fit preuve de transparence en expliquant de quelle façon Dieu guidait sa mère lorsqu’elle lisait les ouvrages d’autres auteurs. Elle lui avait expliqué que Dieu la guidait vers des sources qui pourraient l’aider dans son travail d’écriture, et il expliqua donc clairement de quelle façon elle travaillait, comme nous l’avons vu dans les déclarations déjà citées dans ce chapitre. Ainsi, Johns déclare : «Si Ellen White avait voulu tromper ses lecteurs, pourquoi Dieu aurait-il approuvé le fait qu’elle utilise des sources extérieures et lui aurait-il donné des instructions pour qu’elle s’inspire de paroles de vérité venant d’auteurs non inspirés ? »DDP 391.1
Deuxièmement, en diverses occasions Ellen White s’appuya sur d’autres sources «au vu et au su de tout le monde». Une pièce lui était même réservée au deuxième étage du bâtiment de la Review and Herald où se trouvait une bibliothèque. Là, elle «choisissait un certain nombre d’ouvrages qui lui semblaient intéressants». Si Ellen White avait voulu cacher ce qu’elle faisait, elle n’aurait jamais travaillé de la sorte dans un endroit où de nombreux adventistes pouvaient la voir.DDP 391.2
Troisièmement, Ellen White prêtait souvent ses livres, «des livres dont elle aurait manifestement besoin tôt ou tard pour ses recherches». Johns estime donc qu’il aurait été inexplicable qu’elle agisse ainsi «si elle voulait dissimuler le fait qu’elle s’inspirait de ces sources extérieures».DDP 391.3
Quatrièmement, «Ellen White ne cherchait pas à cacher à ses assistants le fait qu’elle lisait des livres dans le cadre de ses recherches et de son activité d’écriture». Quand elle était en Europe, par exemple, elle écrivit à sa famille à Battle Creek et lui demanda de lui envoyer des histoires de la Bible afin de l’aider pour ses propres écrits.DDP 391.4
Cinquièmement, «Ellen White recommandait aux membres de l’Église adventiste du septième jour la lecture des livres dont elle s’inspirait pour rédiger ses ouvrages et ses témoignages.» Par exemple, pour écrire The Great Controversy [Le grand Espoir], elle se basa sur History of the Reformation \de Merle d’Aubigné, History of the Waldenses de J. A. Wylie et sur des livres d’auteurs adventistes comme History of the Sabbath de J. N. Andrews, The Sanctuary and Its Cleansing de Uriah Smith et de Life of William Miller de James White, son mari. Les adventistes connaissaient bien ces livres. Il est intéressant de noter qu’avant de publier The Great Controversy, dans la revue Review and Herald elle conseilla d’acheter et d’offrir les livres de Merle d’Aubigné.DDP 392.1
La revue Signs of the Times du 22 février 1883 fit la publicité du livre de W. J. Conybeare et J. S. Howson, The Life and Epistles of St. Paul dont elle s’inspira pour écrire Sketches From the Life of Paul.Voici ce qu’elle en disait : «Je considère le livre de Conybeare et Howson, The Life of St. Paul, comme un ouvrage intéressant et particulièrement utile pour tous ceux qui étudient l’histoire du Nouveau Testament.» Denis Fortin souligne à juste titre que «le fait que son propre livre sur la vie de Paul était sur le point de sortir au mois de janvier de cette même année montre clairement qu’Ellen White ne cherchait pas à cacher aux membres d’Église les parallèles évidents entre son travail et celui de Conybeare et Howson».DDP 392.2
6. Les emprunts littéraires d’Ellen White ne constituent qu’une petite partie de ses écrits.DDP 392.3
Certains spécialistes ont soigneusement étudié la façon dont Ellen White utilisait ses sources, notamment dans Life of Christ Research Project. D’après Veltman, ces spécialistes ont pris la phrase comme unité de comparaison entre le texte principal et les sources antérieures. Ils ont défini trois catégories : les verbatims (des phrases exactement semblables à certaines phrases ou parties de phrases de la source), les paragraphes à peu près similaires (des phrases faisant écho au texte source) et les textes indépendants (sans aucun parallèle avec le texte source) .DDP 392.4
Voici quelle a été la conclusion de cette étude concernant «les liens littéraires» dans The Desire of Ages :DDP 392.5
«Aucun verbatim absolu n’a été trouvé. Sur les 2 624 phrases étudiées dans The Desire of Ages (1,1 % du texte), 20 peuvent être considérées comme des verbatims approximatifs, et 183 (6 %o) comme des paraphrases manifestes. Sur les 2 624 phrases, 823 (31 %o) montrent un certain lien avec les sources, qu’il s’agisse d’un mot semblable ou davantage. Concernant les 1 612 phrases indépendantes, le niveau moyen de dépendance était de 3,3 ; on peut donc parler de paraphrase approximative. »DDP 392.6
En étudiant les passages empruntés des écrits d’Ellen White, il apparaît clairement qu’elle suivait parfois la trame d’autres sources afin de décrire au mieux les détails de «l’aperçu général» qui lui avait été présenté de façon claire et simple dans ses visions. Par exemple, quand elle écrivit au sujet de la vie du Christ, elle puisa certains détails historiques dans le livre de William Hanna, Life of Christ, et dans celui de Frederick qui porte le même titre. Elle utilisa History of the Reformation de Merle d’Aubigné et History of the Waldenses de J. A. Wylie pour rédiger The Great Controversy. «Les révélations qu’elle avait reçues lui permettaient de comprendre certains thèmes au sujet desquels elle avait fait des lectures», écrivit W. C. White. «Cela lui permettait de choisir et d’adapter ce qui était vrai, et de rejeter ce qui était erroné ou peu fiable.» Ainsi, ses écrits étaient vraiment le reflet de son approche personnelle.DDP 393.1
Une étude menée par Tim Poirier, directeur adjoint et archiviste du White Estate, a montré que les emprunts d’Ellen White étaient minimes par rapport à la somme de ses écrits. Pendant des années il nota soigneusement les parallèles littéraires signalés par les détracteurs et les défenseurs d’Ellen White (sauf concernant The Desire of Ages, en raison du projet Veltman). Cette étude conclut que le nombre de lignes présentant des parallèles littéraires «identifiés aujourd’hui» de façon précise dans les écrits d’Ellen White représentaient moins de 4 % du total - un chiffre bien inférieur à celui qu’avancent ses détracteurs.DDP 393.2
7. Bien qu’Ellen White se soit inspirée de sources extérieures pour écrire ses plus belles pages, elle enrichit et s’appropria ces passages. Elle voulait que ceux-ci puissent parfaitement correspondre à sa pensée. «Mme White lisait des livres qui, selon elle, lui seraient utiles afin de présenter dans un langage clair et fort les recommandations qui lui avaient été révélées», d’après W. C. White et D. E. Robinson. Elle avait reçu une «grande lumière» et elle «aspirait à trouver des formes d’expression utiles et concises, ainsi que des paroles de vérité correctement exprimées. Elle faisait ceci avec l’assurance d’être guidée par Dieu pour distinguer le vrai du faux».DDP 393.3
Quand elle trouvait ces «paroles de vérité correctement exprimées» dans les écrits d’autres auteurs, Ellen White les notait probablement afin de les utiliser ultérieurement, sous forme de verbatim ou de paraphrase. Comme des pierres précieuses qui ont besoin «d’être taillées, polies et affinées pour que leur beauté soit mise en valeur, expliqua Kevin Morgan, ces paroles de vérité devaient être corrigées, retravaillées et affinées avant de pouvoir être utilisées». Et quand Ellen White publiait ces paroles de vérité, elles exprimaient sa pensée.DDP 394.1