Sola Scriptura : De nouveaux principes herméneutiques
Plusieurs tendances herméneutiques émergèrent après la Réforme et commencèrent à faire de l’ombre au principe Sola Scriptura et à l’interprétation historiciste des prophéties bibliques. L’une de ces tendances était l’approche futuriste et prétériste de l’Église catholique romaine en réaction à l’identification historiciste de la petite corne «qui s’agrandit beaucoup» (Daniel 7.7-27 ; 8.9-14), de l’antichrist (2 Thessaloniciens 2.1-12) et de la bête montant de la mer (Apocalypse 13.1-9) à la papauté. Selon l’ouvrage de Robert Bellarmine, Disputationes (1581-1593) et le commentaire de Francisco Ribera sur le livre de l’Apocalypse (1591) , ces entités apocalyptiques devaient apparaître uniquement dans un avenir lointain. En revanche, dans son interprétation du livre de l’Apocalypse (16 1 4) , Luis del Alcazar établit un lien entre ces entités et la période des apôtres. Étonnamment, à la fois l’approche futuriste et l’approche prétériste furent bien accueillies dans les cercles protestants et évangéliques qui finirent par les adopter. Ainsi, les éléments prophétiques de l’Écriture étaient associés soit à un avenir lointain, soit à un passé ancien, mais leur lien avec le présent ne semblait plus être d’actualité.DDP 348.2
Cependant, après la Réforme aucun principe herméneutique n’altéra autant le principe Sola Scriptura que la méthode historico-critique venant de la période des Lumières. Les études de théologiens rationalistes allemands tels que Johann S. Semler, Julius Wellhausen, Ernst Troeltsch et plus tard Rudolf Bultmann, remirent en question l’historicité du texte de Genèse 1 à 11, réfutèrent l’idée que Moïse était l’auteur du Pentateuque, rejetèrent la nature prédictive des prophéties bibliques et balayèrent les miracles de la Bible. La Bible était considérée comme une mosaïque culturelle ancienne et, par conséquent, le principe Sola Scriptura était vu comme une façon très naïve d’étudier la Bible. Arthur T. Pierson souligna que, comme l’Église catholique romaine, la méthode historico-critique «privait quasiment les gens ordinaires de la Bible en sous-entendant que seuls les théologiens pouvaient l’interpréter. Rome mettait un prêtre entre l’homme et la Parole, mais cette méthode mettait un interprète entre le croyant et la Bible». Plaçant la raison humaine à la base de toutes choses, la méthode historico-critique associait le principe ola Scriptura à celui de Sola Reason.DDP 349.1
L’autre tendance herméneutique majeure qui remit en question le principe Sola Scriptura fut le futurisme dispensationnel, notamment avec Nelson Darby (1800-1882) . Ayant adopté une lecture littérale de la Bible, Darby finit par séparer l’Église et Israël, par faire la distinction entre diverses dispensations de l’histoire sainte et par évoquer un enlèvement de l’Église qui aurait lieu avant la période de tribulations précédant le retour du Christ. Du fait qu’il remit en cause l’unité de la Bible, le principe Sola Scriptura et ses principes théologiques corollaires ainsi que l’analogie de l’Écriture ne pouvaient plus s’appliquer de façon cohérente à la Bible.DDP 349.2
Ainsi, dans la deuxième moitié du 19 ème siècle, le christianisme protestant et évangélique fut remis en question par les écoles futuristes et prétéristes d’interprétation de l’Église catholique romaine, par la méthode historico- critique et par le futurisme dispensationnel de Darby. Dans tous ces courants, un principe humain prenait la place de la Bible, altérant ainsi le principe Sola Scriptura. Au cours du 20 ème siècle, plusieurs principes herméneutiques socio- scientifiques allaient apparaître, remettant davantage en cause le principe Sola Scriptura .DDP 350.1